Kidal résume tout notre crise
Adam Thiam
Le 20 juillet 2017, c’était hier jeudi et c’était la date-butoir pour le retour de l’administration malienne à Kidal. Naturellement, la cité de l’Adrar ne s’est pas réveillée au son de la fanfare nationale et avec le spectacle - devenant de plus en plus surréaliste - du drapeau malien flottant sur le Gouvernorat de Kidal. Le Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga semblait pourtant avoir mis toute son énergie dans la négociation avec la Cma et la Plateforme pour le respect de cette échéance et pour la mise en œuvre des autres mesures convenues dont une patrouille mixte de 600 hommes. Ichrach - le nom du Gouverneur de Kidal, résidant pour l’instant hors juridiction- connaissant les tenants et les aboutissants de la crise, ne devait pas, lui, se faire d’illusions. D’abord parce que la normalisation à Kidal demande plus que la simple accolade entre le gouvernement et les mouvements, plus qu’un jour d’évaluation et bien plus qu’un iftar télévisé. Ensuite, il n’y avait pas besoin d’être Einstein pour comprendre que les affrontements Gatia-Cma à quelques jours de l’échéance, allaient servir de prétexte pour tenir encore loin l’Etat malien chassé de Kidal et de plusieurs places fortes de l’Adrar, ce tragique 21 mai 2014.
LA DATE-BUTOIR A ETE DONC BUTEE. Et ce n’est pas Bamako qui est allé à Kidal mais Kidal qui est venu à Bamako et qui s’y trouve encore, pour la nième fois pendant que dans la capitale de l’Adrar, les couleurs du Mnla et les mots d’ordre des marcheuses rappelaient à la communauté internationale à ses « devoirs ». Le retour de l’administration malienne semble même passer pour secondaire par rapport à l’urgence d’un cessez-le feu Cma-Gatia, le Gatia que les communiqués de la Cma continuent de qualifier de force pro- gouvernementale, comme pour mettre en relief une fâcheuse promiscuité. Plus le Gatia récuse la trêve en discussion, plus le statu quo se renforce dans l’Adrar et moins l’Etat pourrait y faire admettre le bien-fondé de son retour. Cette spirale bien rôdée participe t-elle de la dynamique de dépeçage de l’Etat malien dont la souveraineté et l’intégrité sont aujourd’hui en jeu ? Car pendant que le gouverneur de Kidal dort ailleurs que dans sa juridiction, le Gatia demande qu’Anefis soit une « zone neutre ». Et le tout, dans une situation sécuritaire globale qui laisse à penser que le qualificatif de no-mans land, ou de « zone internationale » au vu des nationalités présentes tant dans les nébuleuses que dans les forces onusiennes, peut s’appliquer à d’importantes parties de Mopti, Ségou, Taoudenit, Menaka, Gao, Tombouctou.
KIDAL RESTE ALORS L’ENJEU DE LA CRISE MALIENNE, DE TOUTE LA CRISE MALIENNE. Or, tant que l’Etat n’est pas en mesure d’exercer son pouvoir régalien sur l’Adrar, entre autres parties du territoire sur lesquelles il n’a pas d’emprise aujourd’hui, l’Accord pour la Paix et la Réconciliation restera, aux yeux de nos compatriotes, comme celui qui aura scellé la partition du Mali. Il y a alors urgence à accélérer la mise en œuvre de cet accord tel qu’il est, pour l’amener à son seuil d’irréversibilité. Car, il ne faut point s’y tromper, cet accord était seulement toléré aux premiers mois de sa signature. Les soubresauts de la révision constitutionnelle sont en train de créer une lame de fond pour son rejet par les citoyens. L’argumentaire du gouvernement ainsi que les révélations de l’avocat sollicité par lui pourraient bien ne pas contribuer à l’apaisement des esprits mais à la radicalisation du front du Non, en donnant l’impression que le projet de révision est exigé par l’extérieur. Revenons à Kidal : l’Etat malien, le cours des choses l’a montré, aura énormément de mal à y retourner, même par ses oripeaux. Or y compris des experts les plus optimistes, les patrouilles mixtes de l’Adrar sont aussi une vue de l’esprit dans le contexte où Iyad Ag Ali n’est ni neutralisé ni approché pour la négociation. Le chef islamiste Ifoghas est donc la clé. C’est confortable de New-York, Paris ou Bamako, de dire qu’il est hors de question d’essayer par le dialogue de désamorcer les nébuleuses qui prennent d’assaut le Sahel-Sahara. Encore faudrait-il que l’action militaire soit décisive. Or pour l’instant, c’est Ansardine qui tient le bon bout. Le Centre du Mali, le Nord du Burkina Faso et en partie l’Ouest du Niger, c’est bien lui. En plus de la stratégie de sanctuarisation par le salafisme, les espaces désertiques de l’Afrique du Nord et de l’Ouest sont en train de tailler des boulevards sûrs pour le narco-trafic. A cela s’ajoute, ce qu’on ne dit jamais très haut, sauf quand on est Macron qui n’a pas hésité à montrer l’Algérie du doigt et qui a obtenu d’avoir un cadre de dialogue France-Algérie sur le Nord Mali. Sans le Mali.
Adam Thiam
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