La diplomatie est une compétence essentielle dans le siècle qui se dessine rapidement autour de nous, mais nous constatons que lancer des insultes de cour de récréation au dirigeant d’une autre nation est devenu la norme dans le Washington post-11 septembre.
Ca devient compliqué de suivre toutes les épithètes que les hommes et femmes d’État, les dirigeants politiques et les législateurs américains utilisent pour nous expliquer qui est Vladimir Poutine – et avec quel mépris sans borne nous devons considérer le président russe.
Je suis nostalgique de l’époque où il était simplement “Hitler”. Comme lorsque Hillary Clinton l’a comparé à der Führer après que Moscou ait ré-annexé la Crimée en réponse au coup d’État que les États-Unis venaient d’organiser à Kiev. C’était en 2014. A l’époque, c’était plus simple : Tout ce que nous avions à faire était de le détester.
Aujourd’hui, les noms pour désigner Poutine circulent comme des billes de flipper. “Hitler” est quelque peu passé de mode, l’hyperbole s’étant révélée trop idiote, ou peut-être parce que l’OTAN arme désormais un régime infesté de nazis.
Il est aussi toutes sortes d’autres choses, qui nous maintiennent dans un état de répugnance et d’hostilité, et bien loin d’une compréhension sérieuse et adulte de l’homme, de la nation et de ce que l’homme et la nation font – en Ukraine et ailleurs.
Lors d’une rencontre avec des journalistes la semaine dernière, le président Joe Biden a qualifié le dirigeant russe de “criminel de guerre”. Cela s’est produit alors que les demandes d’intervention directe des États-Unis en Ukraine se font de plus en plus pressantes. Il faut admirer le New York Times, et en particulier son rédacteur en chef pour la sécurité nationale, David Sanger. Il a ajouté que Biden “parlait avec son cœur, selon ses assistants.” Un homme avec des passions humaines, notre président.
On aurait pu penser que “criminel de guerre” était suffisant, mais non. Biden a poursuivi en qualifiant Poutine de “dictateur meurtrier, un pur voyou”. Notre journaliste du Times, qui, selon mon jugement professionnel, est beaucoup trop proche des barbouzes, a ensuite expliqué, au cas où cela nous aurait échappé : “M. Biden et ses principaux collaborateurs présentent M. Poutine comme un paria, un tueur aveugle qui devrait être jugé à La Haye.”
Vous voyez ce que je veux dire ? On n’arrive plus à suivre. Pour aggraver les choses, nos gardiens à Washington tiennent à nous faire savoir qu’il y a de nombreuses autres personnes comme Poutine. Bachar el-Assad est aussi Hitler, un voyou, un criminel de guerre et un paria. Nicolás Maduro ne peut pas être un criminel de guerre car il ne fait pas la guerre, mais le président vénézuélien est absolument un voyou, un dictateur et un Hitler.
Il y a des choses importantes à considérer ici. L’autre jour, un ami m’a envoyé par e-mail un lien vers un article qu’il voulait me faire lire. Son titre était : “L’infantilisme américain”. Je lui vole la phrase. Voilà ce à quoi nous devons réfléchir.
Une question d’habileté politique
Tout d’abord, il y a la question de l’esprit d’État. Lorsque ceux qui prétendent être les hommes et les femmes d’État des États-Unis pensent qu’insulter les autres dirigeants mondiaux fait partie du répertoire diplomatique – une partie importante, ajouterai-je – il ne nous reste qu’une seule conclusion : Les États-Unis n’ont personne capable de diriger le navire de l’État, personne dans une position d’influence digne du titre de “diplomate”.
Pour nuancer, je suis certain qu’il y a beaucoup de personnes formées dans le service extérieur qui occupent aujourd’hui des postes de rang intermédiaire au département d’État. Mais ils ne comptent pas, dans l’ensemble, car ce qui passe pour de la diplomatie à Washington n’est pas guidé par la compétence, l’expérience ou une intelligence subtile, mais par la fidélité à l’idéologie américaine et le flair pour ce qui fonctionne à Peoria [Peoria est célèbre aux États-Unis pour être la ville la plus représentative des courants dominants touchant la société américaine. Il s’agit de la ville moyenne américaine type – NdT, tirée de Wikipedia].
Au cours du week-end, je me suis retrouvé à penser à Roosevelt. J’ai pensé à lui sur cette célèbre photo avec Churchill et Staline à la conférence de Yalta. Ils sont là dans leurs pardessus contre le froid de février 1945 (Roosevelt dans une cape fringante). Puis j’ai pensé à Biden, à ses injures insensées et à son refus d’envisager une rencontre avec Poutine en ce moment crucial.
J’avais le choix entre le rire et l’autre émotion.
Il n’est tout simplement pas facile de trouver de vrais bons diplomates dans les annales post-1945 du service extérieur américain. Je parle de personnes qui comprennent que l’une des principales responsabilités d’un diplomate est de comprendre comment ceux qui sont de l’autre côté de la table pensent et voient les choses, ce que l’autre partie veut et pourquoi.
Voici pourquoi ils n’existent plus : En termes simples, la puissance rend inutile toute politique sérieuse. La nation puissante n’a pas besoin de diplomatie. Un personnage tel que George Kennan était l’exception qui confirme la règle, et il était une exception parce qu’il avait compris la nécessité de comprendre comment le monde était perçu par l’Union soviétique. Henry Kissinger a prouvé la règle : Malgré toutes ses prétentions à l’habileté diplomatique, Henry K. était un manipulateur de la puissance américaine à l’esprit calculateur, rien de plus.
Le reste suit naturellement : Antony Blinken n’est pas un diplomate sérieux. Samantha Power n’est pas une diplomate sérieuse. En tant que diplomate (et bien d’autres choses), Hillary “C’est Hitler” Clinton est une calamité ambulante. Biden, qui a passé sa carrière à vendre de la poudre de perlimpinpin à l’arrière d’une carriole, n’est même pas un homme d’État, sérieux ou non.
Nous devrions nous demander quand, précisément, insulter d’autres dirigeants est devenu une caractéristique convenue de la “politique d’État” américaine (et j’insiste sur les guillemets.) Quand, pourquoi et quelles sont les conséquences de cette pratique indigne ?
Le 11 septembre
Je fais remonter ce phénomène aux événements du 11 septembre 2001. La composition des secrétaires d’État et des hauts diplomates avant les attentats de New York et de Washington est loin d’être brillante, mais il était généralement admis que parler à ses adversaires était au moins aussi important (et souvent plus) que de parler à ses amis. C’est le régime de Bush II, avec tous ses idéologues farfelus occupant des postes dont ils n’auraient jamais dû s’approcher, qui a déclaré : “Nous ne négocions pas avec nos ennemis.”
Cette déclaration a été avancée, si vous vous rappelez bien, comme s’il s’agissait d’une règle de base de la sagesse des hommes d’État. Il y avait des corollaires. Les contacts diplomatiques avec ceux qui étaient considérés comme des ennemis “leur donneraient de la crédibilité”. À l’extérieur, il y avait le dicton infâme de Richard Perle. Perle, l’un des ornements intellectuels de Bush II, préconisait la “décontextualisation” : Nous ne devons pas mettre les choses dans leur contexte pour ne pas les comprendre. Au lieu de cela, nous devons nous limiter à la réaction (dans les deux sens du terme).
Les réactions aux événements de 2001 doivent être interprétées avec prudence. L’affirmation quasi déclarée est que l’Amérique ne s’intéresserait plus aux autres et à leurs perspectives. La manière américaine de définir le monde était la seule acceptable. Rien d’autre ne doit être envisagé. C’est ainsi que les empires se comportent lorsqu’ils sont conscients de leur vulnérabilité.
Les descendants de George W. Bush
Y a-t-il une grande distance entre la décontextualisation et le discours “on ne négocie pas avec les ennemis” et “c’est Hitler, c’est un voyou, un dictateur, un criminel” ? Je n’en vois pas. De cette façon, toutes les administrations américaines postérieures à 2001 descendent de George W. Bush – caractéristique des régimes de la fin de l’empire.
On peut arguer que l’administration Obama était une exception, mais je n’y crois pas. Au fond, la perspective de Barack Obama sur le monde et la place de l’Amérique dans celui-ci n’était pas différente de celle de tout autre président de l’après-2001. Il a bricolé les méthodes de la puissance américaine – moins d’invasions (à l’exception de la Libye), plus de drones, un vernis de diplomatie – pour masquer la dépendance continue à la seule puissance et l’indifférence aux droits, aux opinions et aux intérêts des autres.
Regardez où cela nous a menés. Chaque fois que j’entends Biden appeler Poutine ou un autre dirigeant mondial, qui n’est pas du goût de Washington, par un nom tiré de l’inventaire américain des épithètes, cela me rappelle à quel point la ” politique d’État ” des États-Unis a été infantilisée. Nous ne pouvons pas être surpris. Quelle distance y a-t-il entre l’infantilisation du public américain et l’infantilisation de la soi-disant diplomatie de l’après 2001 ?
C’est le problème de Peoria. L’une des pratiques les plus étranges des Américains qui se font passer pour des hommes d’État est de s’adresser aux responsables étrangers dans un anglais primaire. Ils cherchent avant tout à plaire à un public national qu’ils traitent depuis longtemps comme des enfants.
L’impérialisme infantile : l’avons-nous inventé au cours des 21 dernières années ?
Les Américains d’après 2001 vivent dans un état d’isolement intellectuel si profond que la plupart n’en sont pas conscients. Les injures, symptôme primaire de l’anxiété et de l’insécurité des deux dernières décennies, sont une façon d’exprimer le patriotisme (un euphémisme réconfortant pour le nationalisme). L’Amérique est totalement incapable d’imaginer – pour ne pas dire de créer – de nouvelles possibilités dans un monde nouveau et multipolaire.
La diplomatie est une compétence essentielle dans le siècle qui se dessine rapidement autour de nous. Mais chaque fois que Biden ou un autre “leader” américain lance l’une de ses insultes de cour de récréation au leader d’une autre nation (Poutine étant le Belzébuth du jour), ils nous le rappellent : Il n’y aura pas de diplomatie émanant de Washington car ils n’ont aucune idée de la manière de la mener.
Le pouvoir et la coercition sont tout ce qu’ils connaissent.
Patrick Lawrence
Patrick Lawrence, correspondant à l’étranger pendant de nombreuses années, notamment pour l’International Herald Tribune, est chroniqueur, essayiste, auteur et conférencier. Son livre le plus récent est Time No Longer : Americans After the American Century. Suivez-le sur Twitter @thefloutist. Son site web est Patrick Lawrence. Soutenez son travail via son site Patreon.
Traduction “n’est pas Lavrov qui veut, ça c’est sûr” par Viktor Dedaj avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.
SOURCE: https://www.legrandsoir.info/
DE LA “FIN DE L’ HISTOIRE” AU PROFIT DU BLOC ATLANTISTE OCCIDENTAL, ANNONCÉE/ÉNONCÉE PAR FRANCIS FUKUYAMA LE MÉDIOCRE, AU “DÉBUT-RENOUVEAU L’ HISTOIRE” AU PROFIT DU MONDE SOUVERAINISTE CRÉATIF PAISIBLE, IL N’ Y A QU’ UNE JAMBÉE HYPERSONIQUE…
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