Les vertueux démocrates s’indignent. Condamnent. Réclament des sanctions mais aussi la pendaison haut et court voire la traduction devant la Cour pénale internationale (CPI) des auteurs du coup d’Etat survenu mardi 18 août 2020 au Mali. La Cedeao montre les muscles et sanctionne déjà. L’Union Africaine a déjà suspendu le pays de toutes ses instances et menace de ses foudres. L’Union Européenne et l’ONU brandissent le bâton et s’étranglent. Au-delà des condamnations de principe et des gesticulations, pourtant, force est de reconnaître — c’est du moins le point de vue du marginal que je suis ! — que le coup d’Etat survenu mardi au Mali était parfaitement justifié. Et s’imposait au vu du blocage que connait ce pays voisin depuis plusieurs semaines, plus exactement depuis que le Mouvement du 5-Juin, dirige par l’imam Mahmoud Dicko, a engagé un bras de fer avec le régime du président Ibrahim Boubacar Keita (IBK). Une crise dont l’élément déclencheur est constituée par les dernières élections législatives au Mali au cours desquelles 30 circonscriptions électorales gagnées par l’opposition… ont été attribuées sans autre forme de procès au parti présidentiel, le Rassemblement du peuple malien (RPM) par une Cour constitutionnelle aux ordres du président Keita. Quelques semaines après le début de la contestation du M5, cette Cour constitutionnelle fantoche — dont on trouve l’équivalent dans tous nos pays hélas ! — était dissoute (de fait) et ses membres remplacés par d’autres plus convenables, en tout cas moins laquais du régime en place. Et alors que les manifestations de l’opposition, ou de ce qui en tenait lieu, le M5 en l’occurrence, étaient réprimées dans le sang, nos glorieux chefs d’Etat de la Cedeao sont intervenus pour… réaffirmer la légitimité du pouvoir de leur homologue IBK dont tout le monde voyait pourtant qu’il était nu ! A juste raison, le M5 a persiste dans son exigence de démission du président de la République « triomphalement » réélu il y a deux ans. Mardi pourtant, à l’annonce de son renversement, le même peuple malien qui l’avait plébiscité en 2018 est descendu dans la rue pour jubiler et acclamer ses tombeurs, les militaires de la garnison de Kati. Cherchez l’erreur…Une fois de plus, la CEDEAO, syndicat de chefs d’Etat parmi lesquels beaucoup d’illégitimes, ou en tout cas disqualifies moralement, est passée à côté de l’Histoire.
Car enfin, quelle leçon de démocratie voulez-vous que des présidents grabataires comme Alassane Dramane Ouattara et Alpha Condé, qui ont tripatouille les Constitutions de leurs pays pour briguer un troisième mandat quitte à verser le sang de leurs peuples, puissent donner au peuple malien ? De quelle autorité morale peuvent se prévaloir les présidents Macky Sall et Mahamadou Youssoufi pour rappeler les principes démocratiques a ce même peuple ? Le premier nommé n’a-t-il pas jeté en prison ses deux challengers potentiellement les plus redoutables a la présidentielle de 2019 pour être sûr de gagner ?
Youssoufi n’en a-t-il pas fait de même pour son opposant Hama Amadou accuse de « trafic de bébés » et embastille lui aussi à la veille de la dernière présidentielle ? Ouattara n’est pas en reste pour avoir lancé un mandat d’arrêt contre son ancien président de l’Assemblée nationale Guillaume Soro, coupable d’avoir voulu se présenter contre son poulain finalement décédé.
Certes, le président nigérien s’est quelque peu racheté par la suite en respectant la Loi fondamentale de son pays qui dispose qu’un président de la République ne doit pas faire plus de deux mandats. Comment donc moralement des chefs d’Etat aussi disqualifies peuvent-ils espérer se faire entendre par les contestataires maliens ? En se faisant les défenseurs d’une illusoire légitimité du président IBK, semblant oublier par la que la souveraineté appartient toujours aux peuples, nos chefs d’Etat de la glorieuse Cedeao étaient voues a l’échec dans leur tentative de médiation. Car le renversement d’IBK était une oeuvre de salubrité publique tellement l’homme a échoué dans sa mission sinon de développer le Mali, du moins de ramener la paix et la stabilité dans ce pays meurtri, voire de nettoyer les écuries d’Augias de la corruption.
Lorsqu’il prenait le pouvoir, la rébellion touarègue du MNLA et les islamistes d’Ansar Dine ne contrôlaient que le Nord du pays. Aujourd’hui, les djihadistes sont aux portes de la capitale après avoir conquis le Centre. Milices peules et Bambaras s’entretuent allègrement et les massacres communautaires se succèdent.
Un régime kleptomane
L’armée malienne mal entrainée, sous équipée, indisciplinée est en débandade depuis longtemps face aux forces djihadistes qui contrôlent désormais la plus grande partie du pays. Une armée qui compte plus de 100 généraux d’opérette parmi lesquels aucun, bien sûr, n’a gagné ses étoiles sur le champ de bataille. Ni sans doute pris part à ne serait-ce que des manœuvres militaires ! Des généraux salonnards qui sont à Bamako en train de faire du business tandis que leurs troupes se font massacrer par les combattants islamistes. A coups de surfacturations, voire de listes falsifiées, les primes destinées aux hommes sur le front sont allègrement détournées par la hiérarchie. On a parlé à ce propos d’un détournement de 40 milliards de francs.
Quant aux armes destinées a la troupe, le président IBK a confié le soin de les acheter a un homme d’affaires ivoirien, un certain Kagnassy qui, à coups de surfacturations lui aussi, s’est fait énormément de blé, livrant des équipements inutilisables a l’armée malienne. Condamne par la justice malienne en première instance après qu’un très intègre magistrat, Malick Coulibaly, eut rouvert le dossier, le sieur Kagnassy a été miraculeusement blanchi en appel et grassement indemnise.
Tiens, tiens, à propos d’homme d’affaires ivoirien, ça ne vous rappelle pas un certain Adama Bictogo, grassement indemnise lui aussi… mais au Sénégal. Pour en revenir au sieur Kagnassy, son avocat a été, cerise sur le gâteau,… nomme ministre de la Justice a l’issue de la médiation de la Cedeao. En remplacement de l’intègre Malick Coulibaly. Défense de rire ! Conséquence : pour la première fois sans doute au monde, on a vu des procureurs refuser de collaborer avec la Chancellerie ! S’agissant de l’Armée, toujours, deux hélicoptères qui lui étaient destinés n’ont jamais volé une fois livres au pays de Soundiata Keita.
Le régime du président Keita était devenu kleptomane, faisant main basse sur toutes les ressources du pays. Tandis que les Maliens s’enfonçaient dans la misère, des fortunes scandaleuses se sont constituées.
« Conseille » par son ami français Michel Tomi, propriétaire de casinos et de salles de jeux et dont la presse française avait révélé a l’époque qu’il lui avait offert plein de costumes après avoir finance sa campagne électorale, IBK a commandé un vieil avion de commandement la aussi très largement surfacture.
Notoirement incompétent, fainéant, débordé par sa famille, notamment son fils Karim au centre de toutes les magouilles, IBK était devenu un président fantôme. Ainsi allaient les affaires au Mali sous le règne du président renverse mardi dernier. Encore une fois, l’armée elle-même était gangrenée par la corruption et… le trafic de drogue. Dans ces conditions, évidemment, il n’est pas étonnant que le régime vermoulu du président IBK se soit effondre. Et ne le pleureront sans doute que les vertueux et hypocrites démocrates, des ONG à la solde de l’Occident ainsi que les syndicats de chefs d’Etat que constituent l’Uemoa, la Cedeao et l’UA. Une Cedeao dont j’ai dit dans ces colonnes tout le mal que j’en pensais lors de la crise postélectorale en Gambie ayant abouti à l’intervention du président Macky Sall pour chasser Yaya Jammeh.
Pour le reste, évidemment, les peuples africains ne peuvent qu’etre satisfaits à chaque fois qu’un des kleptocrates qui les gouvernent est renverse. Les élections ne pouvant les renverser, la rue ou… l’Armée demeurent donc désormais les seuls arbitres pour débloquer les situations.
Pour le meilleur ou pour le pire, hélas ! Espérons seulement que la junte qui a renversé IBK fasse mieux que Amadou Haya Sanogo qui avait renversé un autre président malien démocratiquement élu, Amadou Toumani Touré « Att ». Et qu’elle se contentera de faire une transition la moins longue possible pour rejoindre les casernes a l’issue d’un scrutin dont on espère qu’il sera enfin transparent…
Mamadou Oumar NDIAYE
Le Témoin (Dakar)
merci
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