26 Mars 1991, 27 Mars 1996, deux dates qui symbolisent les tournants historiques pris par le Mali ces 20 dernières années. La première date est commémorée depuis 23 ans pour rendre hommage à ceux et celles qui se sont sacrifiés pour que le Mali se projette dans la démocratie. La deuxième date est moins connue parce que très peu célébrée alors même qu’elle marque l’anniversaire de la Flamme de la Paix. La démocratie et la paix constituent les deux mamelles des engagements pris il y a 20 ans, malgré les remises en cause et les doutes.
C’est une Lapalissade que de dire qu’il y a beaucoup de regrets et de déceptions exprimés contre la pratique de la démocratie pour ne pas dire contre la démocratie. Tant les acteurs qui ont permis l’avènement de la démocratie que ceux qui s’étaient battus contre les démocrates en faisant un usage abusif et sanglant de la répression tiennent aujourd’hui le même discours. Mais sachons éviter les pièges et arrêter l’auto-flagellation. Comme le disait IBK du temps où il était Premier ministre et président de l’Adéma, « la démocratie n’est pas comme un panneau de Stop, une fois qu’on y arrive c’est terminé ». Oui la démocratie est une œuvre quotidienne qui se nourrit des espoirs et des efforts laborieux consentis par tous et chacun. Qu’il y ait de la déception, c’est politiquement justifiable ; qu’il y ait des remords, c’est moralement acceptable ; mais nul n’a le droit d’abdiquer. « La démocratie est comme un gazon anglais, planté un siècle, arrosé tous les jours » a déclaré l’auteur. Ceux dont la sévérité contre la démocratie et les tombeurs de Moussa Traoré n’a jamais faibli n’ont qu’à se souvenir de ces hordes d’enfants en quête d’école, chacun son table-banc de fortune sur la tête ; qu’ils se souviennent de ces femmes obligées de faire des dizaines voire des centaines de kilomètres pour un vaccin, pour une prise en charge par une sage-femme, pour un accouchement plus ou moins en sécurité ; qu’ils se souviennent du manque de libertés. Les Maliens sont libres, libres de s’exprimer, libres de s’associer, libres d’être d’accord ou pas. Oui, il y en aura toujours pour rétorquer qu’il y a trop de corruption, trop de milliardaires, trop de tout. Cela est indéniable. Mais que chaque Malien se comporte en citoyen en rassemblant les preuves d’enrichissement illicite et en saisissant la Justice. Celle-ci est l’un des piliers de la démocratie.
Pour ce qui est de la paix, aujourd’hui c’est la quête de tous les Maliens. Jamais le pays n’a été aussi menacé dans son intégrité, dans sa cohésion, dans son unité. Ceux qui ont longtemps pris les armes contre le Mali sont parvenus à inoculer le virus de la haine chez certains compatriotes. Les fractures sont visibles et béantes.
Les remises en cause concernant la démocratie et la paix ne sont pas irréversibles. Mais il serait suicidaire de les traiter par-dessus la jambe en faisant comme l’autruche. A force de vouloir fuir la réalité en enfouissant sa tête sous le sable, de nombreuses autruches ont perdu les plumes de leur cul.
Les leçons d’un coup d’Etat
La sagesse populaire bamanan nous enseigne que : « mogo kelen tilé tè dignè laban ». Le coup d’Etat du 22 Mars 2012 est venu rappeler tant à ceux qui l’ont exécuté qu’à ceux qui en ont été victime cette sentence dans sa splendeur. En effet, il était devenu clair pour de nombreux Maliens que le pouvoir avait perdu la tête, la raison même diraient certain. Les 10 ans que Dieu et les Maliens avaient accordés à ATT paraissaient courts pour les thuriféraires du régime. Ils planaient au-dessus des maliens au point de se prendre pour des demi Dieux. Puis patatras. De son exil sénégalais, ATT voit les Maliens sous un autre jour ; voit le pays sous une autre couture ; entend les Maliens débiter la longue litanie des péchés dont il serait rendu coupable pendant son règne. Le coup est venu rappeler à tous, que le processus démocratique malien n’était pas irréversible. Pour l’avoir écrit et mis en garde ceux qui étaient éblouis jusqu’à l’aveuglement par les délices du pouvoir, nous avions été traités d’oiseaux de mauvais augure et même de « niengos » aigris.
Le coup d’Etat a servi de révélateur à ce que tout le monde savait mais que très peu de Maliens osaient dire. La corruption, le népotisme (la famille d’abord), le larbinisme, la mauvaise gestion, le mélange des genres, le clanisme, la dégradation des mœurs sociales, etc. avaient atteint des niveaux jamais soupçonnés. D’où la relative popularité qui avait accueilli les putschistes. Le petit peuple, le peuple qui ne voit le bonheur que dans les contes, le peuple qui souffre, le peuple dont la voix est inaudible a applaudi les auteurs du coup d’Etat. Mais très vite, Sanogo et sa bande se sont montrés sous leurs vrais traits dès les premiers 4×4 enlevées et garés dans leur cours. Ce fut la course aux richesses mal acquises, la course a l’argent, la course aux belles femmes, la course aux champs et aux terrains, assassinats. Conséquence, aujourd’hui, ils sont tous aux arrêts. Aux hommes politiques de tirer les leçons de ce que le pays a connu et aux tares qui ont poussé des bidasses et des gueux à braquer le Mali et les Maliens.
Akhimy Maïga