On pourrait toujours se demander si le Président a eu raison de prolonger “le mandat” de l’actuel gouvernement. On pourrait seulement car à la vérité le vin est tiré il faut le boire. Mais la question n’est pas sans objet quand on voit les nuages qui s’amoncèlent au-dessus de nos têtes et qui sont les signes annonciateurs de gros orages. Qu’il s’agisse du front social qui s’est invité dans l’actualité depuis fort longtemps ou du front politique qui pourrait engendrer des situations embarrassantes sur le plan institutionnel à la faveur des élections législatives, le moins que l’on puisse dire c’est que le Président pourrait se retrouver bien seul au moment où la tempête commencera. Car le gouvernement sursitaire qui est en place n’inspire aucune confiance ; pas plus hier qu’aujourd’hui.
La semaine dernière, l’Union nationale des travailleurs du Mali, après avoir constaté la réussite de son mot d’ordre de grève de 48 heures, s’est fendue d’un communiqué aux termes rageurs et aux expressions vengeresses qui constituent autant d’accusations contre le gouvernement. Et comme il n’y a plus personne en face du côté du gouvernement pour tenir la dragée à l’UNTM, il faut craindre que le pays ne rentre dans une spirale de grève qui finiront d’achever un dialogue social qui n’a jamais su faire vraiment prévaloir ses vertus. La récente grève en est la parfaite illustration. Que le gouvernement n’ait pas pu empêcher la grève, à la limite ce n’est pas grave. Mais qu’il ait été incapable de faire des propositions rencontrant la confiance des acteurs sociaux, c’est cela le drame. Siaka Diakité de l’UNTM et ses troupes demeurent convaincus que l’équipe gouvernementale est de très mauvaise foi. Or tant que le président de la République ne disposera pas d’une équipe pouvant ramener la confiance, nous assisterons à la multiplication des grèves dans tous les secteurs qui pourront paralyser définitivement l’activité économique déjà malmenée. Et puis, Siaka Diakité est un bon observateur. Il se dit certainement que le moment est propice pour lui de redorer son blason sur les dépouilles d’un gouvernement amorphe et qui est sur le départ. Surtout que de toute évidence, le gouvernement sortant a d’autres soucis que de se préoccuper de ce qui pourrait advenir. Mais là où réside le danger pour tout le monde est que l’inertie actuelle ne plombe la nouvelle équipe qui devra prendre la relève.
Et disons le aussi, la publication du rapport du Vérificateur général n’a pas été du meilleur effet sur le monde des affaires et sur l’opinion d’une manière générale. Dans un pays réputé très pauvre, personne ne pourrait assister à une si flagrante mauvaise gestion et à un détournement dans les grandes largeurs des ressources financières et garder un moral au zénith. Ni le monde des affaires où les saints ne se bousculent pas, ni l’administration qui pourrait être tentée de croiser définitivement les bras en attendant de voir clair et surtout d’avoir une équipe plus intègre et plus rigoureuse. Ne parlons pas de l’opinion qui s’interroge encore sur le comment du pourquoi d’une si grande délinquance qui semble toucher toutes les sphères de l’Etat. Vu la qualité des mis en cause et des missions qu’ils ont eu à accomplir, il est évident que le Président doit se trouver dans une situation fort embarrassante. Surtout qu’il connaît personnellement la plupart d’entre eux. Sans aucune exagération, ATT semble être dans la situation peu confortable que décrit la sagesse bamanan : « si tu avances, ton père mourra ; si tu recules, ta mère mourra ; si tu ne bouges pas, tu mourras. »
Pour ce qui est du front politique, comme tous les Maliens, ATT voit une large majorité parlementaire se dessiner en faveur de l’ADP avec une forte coloration de l’Adéma. A priori, cela ne devrait pas poser de problème. Mais il faut craindre que quelqu’un comme ATT qui a connu l’unanimité parlementaire, naturellement hostile aux antagonismes, porté sur le consensus et qui a déclaré son intention de travailler avec tout le monde ne voit sa volonté contrariée. En 2002, le choix de mettre tout le monde ensemble était relativement simple puisqu’imposé par les résultats sortis des urnes. En 2007, il va se retrouver avec une majorité composée de partis et de partisans qui l’ont soutenu pour son second mandat mais qui ont déclaré leur volonté de prendre le pouvoir en 2012. Mais ce qu’ils n’ont pas déclaré et qui pourrait voir le jour au fur et à mesure que ATT paraîtra à leurs yeux comme un futur ancien Président, c’est de lui imposer un bras de fer dans le contrôle des institutions. Nous n’en sommes pas encore là, mais ATT devrait se faire du souci.
Elhadj Tiégoum Boubèye Maïgam Boubèye Maïga“