Sous d’autres cieux on aurait dit que les catastrophes se suivent et se ressemblent. Mais nous, nous préférons parler de mauvaises nouvelles. Obéissant à la fameuse loi des séries, nos mauvaises nouvelles en appellent toujours d’autres, plus mauvaises encore. Qu’il s’agisse de la hausse des prix des produits de première nécessité, de la pluviométrie tardive, de l’hydrologie squelettique, de l’abstention récurrente aux élections ou de la corruption devenue endémique, tout porte à croire que nous soyons sur une pente périlleuse. A chaque fois que nous pensons avoir atteint le fond, on creuse encore. rn
Si pour le cas de la hausse des produits de première nécessité, le gouvernement a pris des mesures que nous souhaitons salvatrices, force est de reconnaître que pour ce qui est de la pluie et du beau temps, nous ne pouvons faire autre chose que de prier Dieu pour pardonner nos péchés et nous accorder son infinie Miséricorde en versant quelques larmes sur notre sort. Pour ce qui est des élections et de la corruption, le président de la République prône le changement. Sur le plan politique, ATT a effleuré la question des nécessaires réformes à apporter à un dispositif devenu poussif et qui tourne à vide. Sur le plan de la gouvernance et de la lutte contre la corruption, ATT a promis le changement y compris en introduisant à la suite de la pédagogie, une bonne dose de répression.
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C’est que le président a raison. Les élections organisées à grands frais sont de plus en plus désertées par les populations qui, n’ayons pas peur des mots, boudent tout simplement. Elles ont l’impression que cela ne sert plus à rien de voter dès lors que les résultats ne sont pas conformes aux choix exprimés et que les décisions se prennent ailleurs. Les taux de participation, scrutin après scrutin, fondent comme beurre au soleil. Nous ne disposons pas encore du taux d’abstention pour le premier tour des élections législatives, mais tout le monde s’accorde à dire qu’il sera nettement en dessus des 66% de la présidentielle. En accomplissant son devoir civique, le président de la République a ébauché quelques pistes. Elles ne sont pas exhaustives mais elles symbolisent la volonté de ATT de mettre un terme à un cycle qui gangrène le processus démocratique malien. Pour cela, il faut que la volonté politique exprimée soit concrétisée au cours d’assises regroupant toutes les sensibilités politiques pour nettoyer les textes car nous n’oublions pas qu’en 2002 le président avait fait la promesse de réunir l’ensemble de la classe politique pour la relecture des textes fondamentaux éprouvés par dix ans de pratique.
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Même s’ils n’ont pas le courage de le dire publiquement, parce que cela leur profite aussi, les hommes politiques sont conscients que les tares du système finiront par le tuer. Qu’il s’agisse des procurations que certains cherchent frénétiquement pour combler leur retard ou prendre une avance parce que ne disposant pas de vrais électeurs ; qu’il s’agisse de l’achat au vu et au su de tout le monde des consciences et des cartes ; qu’il s’agisse de l’intrusion des indépendants au niveau des scrutins à caractère national comme l’élection présidentielle et les élections législatives ; qu’il s’agisse du rôle de la Cour constitutionnelle, etc. tout ces aspects méritent d’être revus et corrigés. Mais pour que nous soyons efficaces il faut aller vite. C’est à ce niveau que ATT doit intervenir. Parce que malgré tout, il demeure sans parti, et ce faisant, il conserve encore le crédit qu’on ne prêterait pas, sans hésiter, à un président issu d’un parti politique. On peut regretter que les cinq ans de consensus n’aient pas été mis à profit pour les indispensables reformes. Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire.
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Pour ce qui est de la lutte contre la corruption, le président de la République a annoncé la tenue prochaine d’états généraux consacrés au fléau. Son ambition est de tout remettre à plat afin de cerner tous les contours de la corruption. Au-delà du fait qu’il faudrait craindre que la grand-messe ne donne lieu à des envolées lyriques et à des déclamations moralisatrices, là aussi il convient de faire vite. Les montants en jeu pourraient paraître dérisoires au regard du désastre moral qui frappe toute la société. Une fois que les présumés coupables sont identifiés, il faut les remettre à la Justice. Mais quelle justice ? Le président a réaffirmé son désir d’assainir ce corps. Nous lui souhaitons bien du courage, parce que la Justice ressemble de plus en plus à un monstre à multiples têtes. Que les hommes et les femmes de ce corps dont la compétence et l’intégrité sont avérées soient mis en mission. Et on verra ce qu’on va voir. Sinon, nous continuerons toujours à prêcher dans le désert et la messe pourrait être dite définitivement.
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Elhadj Tiégoum Boubèye Maïga
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