Editorial : Quelle lutte contre la corruption ?

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Semaine de lutte contre la corruption, Etats généraux sur la corruption et la délinquance financière : l’on mènera toutes les réflexions nécessaires, l’on organisera tous les foras utiles, le fléau ne sera cependant pas vaincu tant que la volonté politique souffrira de l’absence de sincérité. Telle est la triste réalité qui s’impose aux Maliens depuis au moins mars 1991 que les thèmes du « kokadjè » et autres sans cesse galvaudés crèvent leurs tympans.

 

Quelle lutte contre la corruption veut-on dans notre pays ? Lorsque, le jeudi 09 décembre dernier, Sombé Théra se gargarisait d’annoncer qu’entre 2008 et 2010 près de 60 milliards de FCFA  ont été justifiés et recouvrés par l’Etat, ils ont été nombreux nos compatriotes à vouloir lui répliquer en lui demandant combien de sommes d’argent dues aux caisses publiques demeurent dans la déperdition. Et combien de milliards de nos francs  présumés détournés ont fait l’objet de classement sans suite de la part du Pôle économique et financier ? Car, à moins de se laisser hypnotiser par la magie des chiffres, 60 milliards recouvrés en deux ans indiquent plutôt l’ampleur de la corruption au Mali et l’impunité qui fait son lit.  Recouvrer 60 milliards en deux ans revient tout simplement à reconnaître deux ans de laxisme, de gabegie, d’impunité, de permissivité. Il ne saurait en être autrement quand le chef de l’Etat, Amadou Toumani Touré, oppose toujours à ceux qui réclament une lutte sans état d’âme contre la corruption la prise en compte de la présomption d’innocence comme s’il  venait de découvrir cet acquis fondamental en justice pour en être subjugué à ce point. Mais il ne s’arrête pas là : il met aussitôt en avant la volonté à lui de « ne pas humilier des chefs de famille ».

Inutile, donc, de lui demander de sévir contre les corrupteurs et les corrompus qui oblitèrent notre économie et  défigurent notre démocratie. Triste perspective pour les Maliens. C’est tout comme si, du haut de son piédestal, le prince observe avec condescendance ses ouailles détourner sans retenue. C’est du moins ce qu’a laissé entendre Sidi Sosso Diarra, le Vérificateur général, dont les rapports empoussièrent les bureaux du Président : « Les grands corrompus sont les proches du chef de l’Etat ». Montesquieu, le père de l’Esprit des lois, dirait certainement que le principe de la démocratie se corrompt quant le monarque et ses sous-fifres, se prenant pour Zeus sur l’Olympe, s’embourbent dans l’enrichissement illicite en se servant de la puissance de l’Etat. Foin de l’éthique et de la morale, la vorace  race des corrompus et des corrupteurs tue la lutte anti-corruption.

Il ne s’agit cependant pas d’incriminer un seul homme et un seul régime. Nos compatriotes se souviennent que du  début des années 70 à la fin des années 90, l’opposition malienne et les médias internationaux ont régulièrement estampillé le visage du Mali de « République des corrompus ».Nous serons aujourd’hui bien inspirés d’ajouter, nous-mêmes : « et des corrupteurs ». Le tableau de la corruption dans notre pays durant les trois dernières années nous y contraint. En effet, le rapport 2009 de l’Indice de Perception de la Corruption dans le monde (sur lequel le gouvernement malien avait fait une impasse absolue, il faut le rappeler), publié le 17 novembre 2009, classait notre patrie à la 111è place sur 180 pays évalués avec 2,8. En comparaison avec l’année précédente, 2008, c’était une vertigineuse régression parce nous revendiquions honteusement la 96è place avec 3,1 points. Entre 2008 et 2009, nous chutions donc de 15 points. Est-il besoin  de mentionner notre classement IPC de 2010 qui n’est guère reluisant ? A chacun de prendre notre classement en Afrique de l’ouest et de l’apprécier.

 

Amadou N’Fa Diallo 

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