« Maliba kéra anw ta yé » (Le grand Mali est devenu nôtre). Ce refrain d’une célèbre chanson de Bazoumana Sissoko magnifiant la grandeur du Mali et son indépendance recouvrée est connu de tous. Nous pouvons l’entonner en référence au fait que le Mali est devenu nôtre après les festivités du Cinquantenaire. Elles se prolongeront, officiellement, jusqu’au 31 décembre prochain (mais officieusement les prolongations se poursuivront jusqu’au 20 janvier 2011 avec le Cinquantenaire de l’Armée malienne).
Mais pour des gens qui ont survécu, et le mot n’est fort, à près de deux années de tracasseries et de gênes de toutes sortes, ils pourront résister deux ou trois supplémentaires. Nous ne rappellerons pas que sous prétexte de cinquantenaire, Bamako était devenue une cité interdite dans laquelle on ne savait pas comment entrer mais plus encore comment en sortir. Les capitales régionales n’étaient guère mieux loties. Pour le Cinquantenaire, partout sur le territoire, les populations étaient comme prises dans un piège, comme des otages. Donc c’est avec soulagement qu’on peut entonner « Maliba kéra anw ta yé ».
On se rend compte qu’après les flonflons, les feux d’artifices et, disons le franchement, le tape-à-l’œil, nous sommes passés à côté de l’essentiel. C’est bien qu’on exhibe nos muscles à travers l’imposant défilé militaire (même si dans le même temps les troupes mauritaniennes occupaient Tombouctou), c’est bien de montrer la diversité culturelle de notre pays à travers le magnifique défilé civil (même si on aura remarqué que, pour la première fois dans l’histoire du Mali si ce n’est dans l’histoire tout court, on a séparé les militaires et civils à l’occasion de la fête nationale) ; mais il aurait été encore mieux de réfléchir sur les défis qui attendent notre pays. Or malheureusement, de réflexion il n’y a pas eu ou très peu. Le pays a plutôt été transformé en vaste société du spectacle où il fallait s’amuser avec insouciance, jeter de l’argent par les fenêtres sans compter en prenant toutefois le soin qu’il atterrisse de préférence dans les bras d’imposteurs qui se sont transformés en entrepreneurs multi-gammes sachant tout faire (les Maliens, avec leur humour que personne n’a pas pu leur prendre, les qualifient d’entrepreneurs du Cinquantenaire).
Nous sommes passé à côté de l’essentiel disions-nous ? Oui dans la mesure où, on aurait pu par exemple jeter les bases de la réconciliation nationale. Puisqu’il faut bien le reconnaître, affirmons haut et fort que notre pays est divisé, plus qu’il n’y paraît. Les régimes politiques qui se sont succédé dans notre pays, notamment sous la première République et la deuxième République, ont laissé des fractures béantes au sein de notre société. Et c’est fort justement que le président ATT en a parlé dans son discours du cinquantenaire, même si on peut regretter que ce fut de manière presque furtive. Or, le thème de la réconciliation est d’une telle importance qu’il fallait l’aborder franchement et en indiquant la voie à suivre. Au lieu de cela, nous avons assisté à une sorte de jeu plutôt malsain pour une grande Nation comme la nôtre. Il n’a échappé à personne que les rumeurs savamment distillées à la veille du 22 septembre concernant la présence ou non de Moussa Traoré au défilé du cinquantenaire procédait de la bonne vieille technique du ballon d’essai. La réaction des Maliens a été tellement vive que même l’interview de l’ancien président de
Nous avons fêté notre cinquantenaire avec éclat. Et après ? Nous avons de lourds chantiers qui attendent depuis longtemps : bâtir un Etat véritable de justice et d’équité ; renouer avec les vertus du travail ; retrouver les valeurs d’intégrité, de respect du bien public, etc.
Elhadj Tiégoum Boubèye Maïga