La démocratie africaine a une particularité : le manque de patriotisme de l’intellectuel. La génération actuelle des intellectuels est-elle à la hauteur des perspectives que l’histoire offre à l’Afrique et plus particulièrement au Mali ? Non. L’intellectuel définit par le Larousse est une personne qui s’occupe par goût ou par profession des choses de l’esprit. C’est un homme doué d’intelligence, capable de comprendre un individu caractérisé par la prédominance de l’intelligence.
Après deux décennies de démocratie, le moment est venu de porter un regard critique sur l’un des déclencheurs de cette marche vers la démocratie : l’intelligentsia, sur son rôle dans l’histoire de l’Afrique et la nature de ses rapports avec le pouvoir. Leader des luttes d’indépendance, l’intelligentsia a, à plus d’un titre, incarné l’espoir d’une Afrique libre et prospère, digne et fière d’elle-même. Cela a été possible grâce à leurs capacités de prévision, d’analyse et d’organisation, elle a toujours constitué la force qui peut conduire au changement voulu. Cette race d’intellectuels africains était préoccupée par l’avenir du continent. Elle savait lire ou interpréter les désirs de son peuple à telle enseigne que plus d’un esprit l’assimilait au pouvoir lui-même.
Mais qu’en est-il réellement aujourd’hui ? Souvent inféodés aux pouvoirs dictatoriaux dont ils se font les idéologues et en d’autres circonstances, les contestataires de ces mêmes pouvoirs, les intellectuels entretiennent des rapports ambigus voire complexes avec le pouvoir. Si l’intelligentsia est la catégorie de la population qui a porté haut le flambeau de l’espoir, elle est aussi celle qui a déçu cet espoir à certains moments clés de l’histoire :
«Tous les candidats aux élections de 2007 au Mali se sont installés par la fraude», dixit un intellectuel qui fut gendarme constitutionnel des élections.
Et récemment, un autre se fend dans les colonnes d’un organe de la place à propos des reformes institutionnelles : ces reformes ne feront pas du président de la République un roi. Qu’en serait demain ? Le sujet est d’autant plus important qu’il reste d’actualité. L’avenir nous impose d’analyser de manière lucide et critique le rôle des intellectuels dans l’histoire.
L’intellectuel malien de l’ère démocratique est celui qui a refusé d’assurer son rôle de guide et malheureusement il est celui qui mélange tout. Il n’est plus une force sur laquelle le peuple peut compter pour dénoncer les insuffisances dans la gouvernance.
L’heure est venue aujourd’hui de statuer sur ce qui aurait du être le rôle des intellectuels maliens dans le cadre du régime de démocratie bourgeoise formelle actuelle. Ce cas illustre toute la richesse et la complexité de la question. Il soulève bien des interrogations, des drames, mais peut être de l’espoir par ces temps de déception engendrée par la gestion artisanale des affaires avec son corollaire de délinquance financière.
Amy SANOGO