Editorial Leurres de vérité

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Avant l’investiture du président Amadou Toumani Touré pour son second mandat, nous écrivions que contrairement à son premier mandat, il ne bénéficierait cette fois-ci d’aucun moment de grâce. Mais nous étions loin de nous douter que les turbulences allaient commencer de sitôt.

En effet, après une cérémonie d’investiture qui ne restera certainement pas dans les mémoires pour sa qualité, ATT se retrouve avec une hausse des prix des produits de première nécessité, une pénurie énergétique avec son lot de délestage et de rationnement du courant, de graves atteintes aux libertés à travers l’emprisonnement et la condamnation de cinq journalistes et d’un enseignant dans le cadre de l’exercice de leur fonction, une grève de 48 heures de l’UNTM qui a complètement paralysé le pays. Tout cela en moins d’un mois. Pour un début de mandat, ATT aurait certainement rêvé mieux. Pour ne pas en rajouter, nous ne parlerons pas ici du rapport du Vérificateur général qui fait état d’une dissipation de fonds au détriment de l’Etat d’un montant de 102 milliards.rn

Les quatre points soulevés ont un seul et unique dénominateur : la mauvaise gouvernance. C’est à cause de la mauvaise gouvernance que le pays est sciemment maintenu dans la spirale de la hausse des prix de première nécessité. S’en prendre au précédents régimes qui n’auraient pas de vision ne dédouane pas ATT qui est au pouvoir depuis cinq ans. Surtout qu’avant lui, le prix du riz n’a jamais atteint à plus forte raison dépasser la barre des 500 francs. Nous sommes en face d’une démission de l’Etat qui est tellement faible qu’il n’inspire plus ni respect ni crainte. Les spéculateurs sont connus, leurs complices sont connus, leurs protecteurs sont connus.

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Pour ce qui est de la crise énergétique qui frappe le pays à travers EDM-SA, il ne sert à rien d’évoquer le manque d’eau dans les barrages. Depuis belle lurette, les autorités ont été informées des risques de rupture si les investissements adéquats n’étaient pas faits à temps. Mais pour d’évidentes raisons électoralistes, le taureau n’a jamais été pris par les cornes ; donc c’est logique qu’il nous écorne aujourd’hui avec son lot de conséquences sur l’économie nationale. Ce qui se passe aujourd’hui n’est pas sans nous rappeler les années 96-97 où le manque d’électricité avait mis l’économie à genoux. Sans le dire à haute voix, les opérateurs économiques craignent une répétition du scénario. Et les propos tenus par le ministre de l’Energie ne sont pas pour les rassurer.

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Quant à l’arrestation et à la condamnation de nos confrères, c’est le genre de bêtise dont un régime pourrait difficilement se remettre. Il n’y a pas longtemps, on se gargarisait du fait que notre pays occupait le même rang que la France dans le classement de la liberté de la presse. En un rien de temps, nous nous retrouvons derrière les pays les plus totalitaires. Hormis cette comparaison qui n’honore pas notre pays et ne grandit pas ceux qui ont posé les actes attentatoires à la liberté d’expression, il est à noter que cela dénote d’une profonde intolérance et d’une volonté manifeste de mettre tout le monde au pas. Or en s’attaquant à la presse, le régime de ATT brûle l’étendard qui fait le label de notre pays. C’est parce qu’il y a une presse libre que les bailleurs de fonds aident le pays. A cet effet, il faudra surveiller le classement du Pnud de cette année.

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Concernant enfin la grève de l’UNTM, elle prouve qu’il est loin le temps où la centrale syndicale accordait un an à ATT le temps de s’installer. Il est loin le temps où la confiance régnait. En réussissant à paralyser deux jours durant le pays, l’UNTM prouve non seulement sa capacité de mobilisation mais montre en même temps l’inexistence du dialogue social. Mais c’est moins la grève que la rupture de confiance qui est grave. Parce que les responsables de l’UNTM accusent ni plus ni moins le gouvernement de mauvaise foi et d’incapacité à faire face aux problèmes qui se posent. « Nous rappelons à ATT que c’est le refus du dialogue et les crises sociales qui ont fait tomber Moussa Traoré, nous sommes prêts à remettre le couvert s’il ne change pas » ont tenu à déclarer certains grévistes. Nous n’en sommes pas là mais cela prouve que le feu est sous la cendre.

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Certains observateurs estiment que ATT et ses amis se leurrent en ne gardant des dernières élections présidentielles que les 71% de voix. En cela ils oublient que cela ne représente en chiffres réels que 1,5 million de Maliens sur les 12 millions que compte le pays. Les 10,5 millions qui n’ont pas voté constituent une masse silencieuse qui n’est pas forcément d’accord avec tout ce qui se passe. Ils se taisent sur leur douleur parce que comme le dirait l’autre les grandes douleurs sont muettes. Les crises qu’il vient de vivre ont montré qu’il ne dispose pas de relais suffisants, ni institutionnels, ni politiques, ni sociaux.

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Elhadj Tiégoum Boubèye Maïga

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