Editorial : Les trois grosses faillites d’ATT

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Hier, mercredi 8 juin 2011, le chef de l’Etat, Amadou Toumani Touré, a bouclé ses neuf ans au pouvoir. C’est dire que beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Pour la première fois, cet anniversaire l’a trouvé en déplacement à l’étranger, notamment à New-York. Il n’a donc pas pu animer sa traditionnelle conférence de presse. Il se rattrapera néanmoins ce dimanche 12 juin. En attendant, il est à noter que durant les 108 longs mois qu’il a déjà passés au pouvoir, ATT a commis trois grosses erreurs qu’il veut réparer maintenant.

La première faillite, c’est bien le retard pris dans les préparatifs des élections de 2012. Il avait neuf ans pour le faire tranquillement, et sans heurt. Mais le gouvernement sortant a été incapable d’imprimer une nouvelle orientation au processus électoral, avec à la clé l’acceptation par tous les acteurs des conditions pour un scrutin transparent, honnête et sincère. C’est peut-être à souhait que l’ancien Premier ministre a créé ce flou artistique, pour que, le moment venu, une administration acquise à sa cause tripatouille comme d’habitude les élections, notamment les résultats et les procès-verbaux, communiqués le plus souvent par les représentants de l’Etat, à travers le RAC.

Cette impréparation, dont a hérité par Mme Cissé Mariam Kaïdama Sidibé, focalise actuellement toute l’attention. Les réunions se multiplient chez Kafougouna Koné, à l’Administration territoriale, à la Primature et ailleurs. Jusqu’à présent, l’on n’est toujours pas d’accord sur le fichier électoral: RACE ou RAVEC? Le gouvernement tergiverse et opte pour un comité d’experts, afin d’affiner les options. Dans d’autres pays, on aurait demandé la démission de Kafougouna Koné, qui avait pourtant reçu l’onction du Président et des élus de la Nation pour sortir un fichier électoral digne de ce nom du RAVEC. C’est donc échec et mat pour Kafougouna Koné. En ne sanctionnant pas ce dernier, ATT sera considéré comme le premier responsable de la situation.

La deuxième grosse erreur d’ATT porte sur le retard accusé dans la mise en oeuvre des toilettages des textes fondamentaux de notre République (Constitution, Code électoral, Charte des partis, Statut de l’opposition, Loi sur la presse et les délits de presse). Son engagement apparent à vouloir maintenir  les réformes institutionnelles annoncées, à adopter par referendum, suscite beaucoup d’inquiétudes. ATT avait fait la même déclaration l’année dernière, sans aucun résultat tangible. Il entend désormais rattraper le temps perdu? Cela sera difficile, à moins qu’on ne veuille nous conduire vers des réformes bâclées, en mettant la pression sur l’Assemblée nationale, laquelle laissera sans coup férir les textes proposés passer comme une lettre à la poste. Pourtant, ATT a bénéficié d’un meilleur environnement politique que tous ses prédécesseurs pour  faire aboutir les réformes, dans un climat apaisé, voire convivial. Mais la grande hésitation autour d’un troisième mandat éventuel et, surtout, le débat sur l’harmonisation des mandats, avec comme résultat escompté deux années de rallonge à Koulouba, ont fini par retarder les réformes. Avant qu’ATT ne se ressaisisse, le temps a filé. Il nous échappe actuellement. Malgré tout, le chef de l’Etat veut croire qu’il peut suspendre son vol. A-t-il oublié ce que disait Alphonse de Lamartine dans Le lac ?

La troisième faillite d’ATT, c’est l’apparence qu’il se donne maintenant de lutter réellement contre la corruption. Tout le monde est unanime sur les maux que cause ce fléau au Mali. Tout le monde est également d’accord pour qu’il soit combattu avec la rigueur de la loi. Mais personne n’est d’accord avec la politique des deux poids deux mesures qui règne en ce moment. Personne n’est d’accord pour qu’on négocie avec ceux qui détournent les fonds publics, en leur demandant le remboursement les montants incriminés, sans les inquiéter. Pendant que, de l’autre main, on emprisonne, parce que, tout simplement, il s’agit de fonds étrangers..

ATT a eu le temps, depuis son arrivée au pouvoir, de poursuivre les efforts d’Alpha Oumar Konaré. Mais tous les délinquants arrêtés par celui-ci ont été élargis en catimini et certains ont négocié avec la justice, comme c’est le cas de l’ex – PDG de la CMDT, Drissa Kéïta. Le Vérificateur Général, mis en place par ses soins, a été vilipendé et discrédité par le régime. Mais le peuple n’est pas dupe. Voici donc, à notre avis les trois grandes faillites d’ATT, après neuf ans d’exercice du pouvoir.
Chahana Takiou

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