Créées pour faire pièce aux gouvernements voleurs et exploiteurs qui happaient l’aide internationale au profit d’une minorité de privilégiés, les organisations non-gouvernementales sont devenues, surtout quand elles sont puissantes, des centres de régulation, voire de décision de la vie nationale dans les questions sociales et culturelles, qui sont souvent le cadre où se définit l’identité nationale. Commençons par les ONG qui luttent contre la circoncision féminine.
En coordination avec le service gouvernemental correspondant, elles pilotent une formidable campagne qui dure depuis deux décennies et qui ne donne aucun signe d’essoufflement, malgré ses résultats dérisoires. Volontaires et pseudo-militants nationaux se bousculent au portillon pour intégrer une équipe aussi bien payée, malgré la prise de position très nette des ulémas et imams du pays en faveur de cet usage. Quand on sait que la culture du pays a pour substrat l’enseignement de ces religieux, on peut parler d’une véritable agression de ces ONG contre nos valeurs culturelles. Mais rassurez-vous : pour éviter une accusation aussi grave, les ONG ont décidé d’associer les religieux à leurs décisions.
C’est par exemple avec leur appui que désormais le port du présentatif est conseillé. Feu Kadi Dramé, qui était prêcheur à la Radio islamique, a été honoré à titre posthume et son nom a été donné à un prix dit de lutte contre "les mutiliations génitales féminines". Ne s’agit-il pas là d’un acte de piraterie, semblable à ceux opérés sur les cassettes, que d’apposer ainsi le nom de cet uléma à un prix auquel les autres ulémas et l’opinion nationale sont hostiles? De telles opérations ne sont-elles pas manifestement des actes de dictature ? Il y a quelques mois, World Vision renvoyait des dizaines d’employés (qui ont porté l’affaire sur la place publique) pour cause de religion non conforme, ce qui est une atteinte aux droits de l’homme et à la démocratie.
Le fait que les fonds des ONG soient obtenus sur appel ouvert, et soient donc peu garantis, crée une situation d’état d’urgence permanent qui permet de renvoyer le jeune diplômé et surtout de ne pas le reprendre s’il était quelque peu têtu. C’est une ONG norvégienne qui a servi de domicile aux principaux chefs de la rébellion de 1990. De son point de vue (qui n’est certes pas celui de l’autorité légitime), il s’agissait peut-être de lutter contre la dictature. Dans un pays pauvre, parfois en proie au chômage et à la famine, le pouvoir, le vrai, en l’occurence le pain et le travail, est détenu par les organisations dites non gouvernementales, mais qui sont en réalité les nouveaux gouvernements. Et il faut donc qu’il soient démocratiques, si les anciens étaient corrompus.
Ibrahima Koita
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