Editorial : Le business centrafricain, les irresponsables sud-soudanais

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Ce n’est pas parce que les médias occidentaux ont épousé la maladroite habitude de ne parler du continent africain que lorsque l’un de ses pays est en proie à la guerre, à la famine et aux épidémies, qu’on doit s’aveugler sur ce qui s’y passe. Cela est désormais clair comme l’aube, la Centrafrique depuis bientôt une année cascade, comme une chute d’eau, au fond de la tourmente. Le pays entier subit les violences, conséquences directes de la chute de François Bozizé, emporté par le vent d’une rébellion hétéroclite, la Seleka, elle-même divisée au final.

 

Menaces répétées sur une possible partition du Nord de la Centrafrique, exacerbation des affrontements interreligieux (entre chrétiens et musulmans) avec des bilans absolument effarants, des ressortissants d’autres pays du continent sont rentrés bon gré, mal gré au bercail, désastre humanitaire. En Centrafrique, c’est vraiment une « nakba » dont on ne sait par quel bout prendre. La liesse, dans les rues de Bangui, qui ont accueilli l’éviction du président autoproclamé Michel Djotodia (chef des rebelles de l’ex-seleka) survenue au sommet extraordinaire de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC)-lequel a pris fin le vendredi 10 janvier, à N’Djamena-, a été de courte durée. Car les violences n’avaient stoppé que pour juste donner le temps à la nouvelle présidente de transition, Catherine Samba panza, de s’installer.

 

 

Mais, encore une fois, le plus grave est qu’après une guerre entre les hommes du pouvoir, la Centrafrique a été propulsée au beau milieu d’une guerre de religion, entre chrétiens et musulmans. Ayant réussi à quitter, fort miraculeusement, la Centrafrique après avoir vu mourir son jeune frère, ses amis, voilà ce qu’a écrit un ami blogueur, Johnny V. Bissankonou « Pourquoi et comment j’ai quitté l’enfer centrafricain » : « Il n’y a plus d’Etat en République Centrafricaine…Il n’y a jamais eu de leader, que des gens qui ont sacrifié et qui continuent de sacrifier la population sur l’autel des intérêts égoïstes. La Centrafrique n’est pas au bord, mais bien au fond du gouffre. Après les coups d’Etat et leurs lots d’instabilité, voilà que nous glissons bêtement sur la voie des affrontements intercommunautaires. »

 

 

Ce n’est pas demain que les Centrafricains verront le bout du tunnel. L’opération militaire française « Sangaris », intervenue avec 1600 soldats, aidée par les forces de l’Union Africaine (Misca), est bien en peine de désarmer les « électrons libres » de l’ex-seleka et les milices d’autodéfense, les anti-balakas. Au point que la présidente de transition, Catherine Samba Panza, a appelé l’ONU à déployer des forces de maintien de la paix. Ce qui se passe en RCA est vraiment un business, c’est-à-dire une affaire compliquée…à comprendre et à régler.

 

 

Il en est de même que pour le Soudan du sud, qui, indépendant voilà seulement 3 ans, subit les tempêtes d’un affrontement entre l’armée régulière du président Salva Kiir et les rebelles du vice-président limogé Riek Machar. Une guerre qui a du coup relancé les débats sur l’indépendance de cet état, le plus jeune du continent. En cinq semaines de combats, on parle de 10.000 morts et 700.000 déplacés ; et puis on voit que ces chiffres pourraient augmenter. Malgré l’accord pour le « cessez-le-feu » signé par les protagonistes, les affrontements se poursuivent. En réalité, on assiste au triomphe de l’irresponsabilité au Soudan du sud dans la mesure où ni Salva Kiir, ni Riek Machar, n’a pris soin d’éviter que le conflit prenne une allure ethnique. Résultat : la fracture entre les Dinkas (ethnie dont est issu Salva Kiir) et les Nuers (l’ethnie de Machar) s’est approfondie. Des paisibles populations payent un lourd tribut à une guerre entre deux camps ayant d’autres intérêts en tête : contrôle du pouvoir, des grandes réserves de pétrole…

 

 

Une fois n’est pas coutume, l’Union Africaine et les structures régionales ont fait preuve d’impuissance dans ces crises. Mais, ce qui est sûr c’est que « tout a une fin, même l’enfer »(*).

(*) Tahar Ben Jelloun, L’Auberge des pauvres, Ed Seuil.

Boubacar Sangaré

 

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