Editorial – La république dévaluée

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Du temps où ceux qui combattaient Moussa Traoré cherchaient des raccourcis sous forme de slogans explicites, ils en ont trouvé un qui est encore dans toutes les mémoires : FMI (Famille Moussa et Intimes). Une partie non négligeable des récriminations des Maliens contre leur Président de l’époque était concentrée dans ces trois lettres.
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Tout partait de la Famille et tout revenait à la Famille. Les promotions subites, les sanctions imméritées, les bannissements, les disgrâces, les affaires, les scandales étouffés. A tel point que l’Etat se confondait à eux, y compris dans ses prérogatives régaliennes. Avec l’avènement de la Démocratie, les Maliens avaient cru que ces pratiques allaient être reléguées à jamais dans les oubliettes de l’histoire en même que le parti unique qui autorisait la personnalisation du pouvoir et les dérives y afférentes. Durant les dix ans que l’Adéma a passés au pouvoir, Alpha Oumar Konaré et son épouse ont tenu à faire une séparation nette entre les coulisses du pouvoir et la sphère familiale. Leur parcours de militant et leur combat pour le changement les y ont fortement aidés.

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Personne n’a entendu ou vu leurs parents, leurs enfants se comporter comme des princes qui peuvent tout et à qui on doit tout. Les garde-fous démocratiques, comme l’opposition intransigeante et la presse privée avant-gardiste, existaient pour rappeler les dérapages à ne pas commettre et remettre au goût du jour des pratiques que les Maliens ont combattues pour en avoir souffert. Leur appartenance à un parti politique, à un regroupement, leur rappelait qu’ils n’étaient pas seuls et qu’ils étaient en mission. Leur éthique personnelle complète le tableau de bord qu’ils ne devaient pas perdre de vue pour la gestion des affaires au bénéfice du plus grand nombre de Maliens.

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Mais force est de constater que depuis 2002, ce que certains Maliens considéraient comme des acquis irréversibles sont en train d’être grignotés jour après jour. Le recul quant à la séparation à opérer entre le pouvoir et la famille est réel. Aujourd’hui, tout tourne hélas autour du couple présidentiel. C’est l’amer constat qui s’impose aux Maliens. Tout part de la famille, tout revient à la famille : les nominations, les coups de piston, les coups de pouce, les affaires avec des relents scabreux. La République craquelle de toutes parts et se voit déshabillée au profit de la famille. La dévaluation de la République trouve ses premières racines à ce niveau là d’abord. Une fois que cette pilule est avalée tout devient possible et presque normal.

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Dépouillée de ses habits, la République se présente devant les Maliens drapée dans des oripeaux qui ne sont pas dignes d’elle. Par exemple quel démocrate, quel républicain peut se réjouir de la manière dont les gouvernements se font et se défont ? On assiste à une sorte de ventes aux enchères où les prétentions et les ambitions dévorantes fleurissent sur fond de génuflexion. Il n’y a qu’à se référer aux rumeurs de remaniement qui distraient les Maliens et qui paralysent l’Administration depuis maintenant deux ans. En annonçant lui-même son intention de démonter l’équipe gouvernementale, le Président a dévalué l’action d’une équipe qu’il a lui-même montée. Le Premier ministre n’a plus d’autorité sur ses ministres ; les ministres assistent impuissants à l’effritement de leur pouvoir sur leurs collaborateurs ; la grande Administration croise les bras quand elle ne fait pas des affaires ; et tout le monde scrute du côté de la colline où par la force de la dévaluation de la République tous les pouvoirs sont concentrés.

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Et depuis que l’ADP (Alliance pour la distribution des postes) a été signée, être du gouvernement est devenu une obsession de tous les instants chez certains. On fabrique des CV dans la seule intention d’être ministre ; le profil, l’intégrité et les compétences des prétendants importent peu. Dans le temps, quand on disait d’un cadre qu’il était ministrable, c’était une reconnaissance implicite de ses compétences et une sorte de couronnement d’une riche carrière. Aujourd’hui, nous assistons à une sorte de nivellement par le bas. Il y en a qui commencent leur carrière par des fonctions ministérielles. Ce fait serait à la limite tolérable s’ils étaient compétents ou représentatifs. Hélas, ils ne sont ni compétents ni représentatifs. Or dans une démocratie représentative comme la nôtre, ceux qui prétendent à gérer doivent tirer leur légitimité du peuple. Il y va de la stabilité de la République et de la force des institutions républicaines parce que les forces politiques sur lesquelles elles reposent doivent être clairement légitimées par le suffrage des citoyens.

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Comme ce n’est pas le cas, on assiste à une sorte de césure entre le peuple et ses dirigeants. Rien n’intéresse plus le peuple dès lors que ceux qu’il ne se reconnaît pas dans ceux qui dirigent, dès lors qu’il est convaincu que ses dirigeants ne le représentent pas, dès lors que les actes qu’ils posent tous les jours le confortent dans sa conviction que les dirigeants ne sont là que pour leurs propres affaires. Qui ne se rappelle des propos du maire de Diboli lors de la visite de ATT dans la région de Kayes en mai 2006. « Monsieur le Président, venez le plus souvent avec vos ministres parce que nous ne les connaissons pas, nous les voyons juste à la télévision » a-t-il déclaré sur un ton qu’il a voulu léger mais qui renferme sa dose de drame. No comment.

rn Elhadji Tiégoum Boubèye Maïga

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