Editorial : La glandeur du Mali

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Le 22 septembre 1960, quand les pères fondateurs du Mali proclamaient l’indépendance du pays, ils savaient que devant les choix difficiles qui s’imposaient à eux, il fallait prendre celui de la dignité, de l’honneur. Les hommes et les femmes (Modibo Kéita, Awa Kéita, Gabou Diawara, Madéira Kéita, Mamady Sissoko, Idrissa Diarra, etc.) qui devaient conduire les premiers pas du Mali avaient une haute idée du pays et de l’héritage dont ils sont les dépositaires.

 Fiers d’être les descendants des Soundiata, Sonni Ali Ber, Samory Touré, Askia Mohamed, Firhoun, Tiéba, Babemba, Damonzon, Babuguntchi, ils n’avaient peur de rien et ne baissaient la tête devant personne et ne reculaient devant aucune adversité, d’où qu’elle vienne. Ils ont proclamé l’indépendance du Mali dans des conditions difficiles : éclatement dans la douleur de la Fédération du Mali, hostilité de certains pays voisins, animosité de la puissance coloniale, dénuement total du pays etc. Ils n’avaient que leur volonté de se relever, de relever la tête et de bâtir un pays grand, fier et jaloux de son indépendance. Avec la Fédération du Mali, ils disposaient d’un port, de grosses potentialités économiques à la disposition de leur rêve africain. Avec la République du Mali, ils ont un pays enclavé, de gros soucis financiers alors que tout était à faire. Il en fallait bien plus pour décourager cette bande de patriotes. Le Mali est un chantier, hé bien, ils allaient le construire.
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Pierre après pierre, l’édifice allait sortir de terre sous la forme de routes, de pistes, de sociétés et entreprises d’Etat, d’administration, d’infrastructures, de biens de consommation etc. Le tout avec rien ou presque. Ils n’avaient que de petits moyens financiers, souvent personnels (ils en étaient arrivés à vendre leurs biens), pour concrétiser les grandes idées qu’ils avaient pour bâtir le pays. C’est ce qui a donné la Librairie populaire du Mali, la Compagnie Air Mali dont les avions étaient pilotés par des Maliens, la Comanav, la Somiex, les Banques, l’Office du Niger, la SEMA etc. Ils ont bâti une armée nationale en demandant au dernier soldat français de débarrasser les lieux. Avec eux, être Malien était synonyme de fierté, de dignité, de rectitude morale, d’intégrité. Ils ont eu aussi leur rébellion. Et c’est là que l’actualité d’aujourd’hui croise le chemin de ce Mali en construction.

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En effet, le pays s’apprête à fêter son 47ème anniversaire avec des soucis pour sa stabilité dans sa partie nord. Depuis près d’un moins maintenant, des bandits conduits par Ibrahim Bahanga sèment la terreur. Il est établi aujourd’hui que c’est pour des intérêts personnels qu’ils sont prêts à mettre le pays à feu et à sang. Ils sont déjà parvenus à entraver la liberté de mouvement dans cette partie en opérant par embuscades et en comptant sur les mines qu’ils ont dissimulées afin de faire le maximum de morts et de traumatisés.

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L’objectif recherché est de retrouver les prébendes perdues avec comme souci principal de prendre toute une communauté en otage. Mais ce qui se passe au Nord n’est pas le seul motif d’inquiétude des Maliens. Le quotidien les inquiète plus que tout surtout que la grande majorité a la nette sensation qu’il n’y a pas de perspective à l’horizon. Le chômage se porte bien, la vie est chère, le moral est en berne, la pauvreté s’épaissit, etc. Et les Maliens ont l’impression qu’ils sont laissés à leur propre sort et qu’il n’y a personne non seulement pour s’occuper d’eux mais aussi pour leur montrer le chemin à prendre.

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Ce qui fait dire à quelques nostalgiques du passé que notre pays a perdu sa grandeur d’antan et égaré sa  fierté en cours de chemin. Ce qui fait à quelques Maliens qui souhaitent se refugier encore dans le Soudan que c’est le temps des glandeurs pour notre grand et beau pays. Un temps où tout est confusion ; un temps où tout est recherche effrénée de profit, de profit pour soi, un temps pour les grandes dérobades et les petites démissions.

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 Elhadj Tiégoum Boubèye Maïga

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