Quand Konaré communique cela a, au moins, le mérite de la clarté et les signaux étaient faciles à décoder mardi quand il rendit officiellement visite à ATT à Koulouba. Premier signal : en la veille très symbolique du cinquantième 22 septembre de la nation, sa présence médiatisée chez le président de la République, lui qui a fait vœu de rareté, il l’a considérée sans doute comme un acte de solidarité avec son successeur. Mais ses propos mettent le holà : il était venu pour les deux grandes dates de la nation que sont le 22 septembre 1960 et le 26 mars 1991.
A partir de là, tous ceux qui connaissent un tant soit peu l’ancien président pouvaient se dire qu’on ne le verrait pas le lendemain à la tribune du défilé militaire aux côtés de Moussa Traoré qui, lui, est issu d’une autre date : le 19 novembre 1968. Personne, d’ailleurs, ne sait vraiment si le Général déchu avait été invité à la fête et s’il avait accepté l’invitation.
Mais le plus important n’est plus là : il est d’abord dans le discours du 22 septembre de Amadou Toumani Touré qui a tenu à rappeler qu’il est lui aussi un des artisans du 26 mars, et non des moindres. Sans doute, une réponse subtile de l’élève – c’est ainsi que le président se définit par rapport à Konaré- au maître mais au-delà, une réplique agacée à ceux qui s’étaient levés contre l’éventualité d’avoir Moussa Traoré à la parade militaire du 22 septembre au motif que cela participait de la banalisation de l’histoire nationale.
L’accolade des « trois » n’a pas eu lieu, il faut le constater. Cependant, l’initiative a soulevé dans les grins de la capitale un débat qu’il ne faut pas escamoter. Certains ne comprennent pas de Konaré cette attitude vis-à-vis de Moussa Traoré qu’il a pourtant gracié et à qui il a conféré les privilèges d’un ancien chef d’Etat. D’autres estiment que le président Touré cherche à se guérir du complexe d’avoir arrêté Moussa Traoré et que depuis son retour aux affaires, il fait tout ce qu’il peut pour reconstituer l’Udpm.
Il y a un troisième front, même s’il n’est pas très souvent entendu qui souhaiterait plus d’introspection et plus de mesure vis-à-vis de la période Modibo Keita, par respect à ceux qui, comme Fily Dabo, Hamadoun Dicko et Kassoum Touré, furent forcés de creuser leurs tombes. Autant de raisons donc, d’aller vers les démarches justes qui nous permettent de regarder notre histoire en face et de l’assumer. C’est-à-dire la vérité, toute la vérité, l’explication, toute l’explication avant le pardon. Lequel ne peut être obtenu d’un tableau phonique.
Adam Thiam