Le Président de la République sera investi demain pour son second mandat. Hormis son caractère solennel, l’investiture de demain ne déchaîne pas les foules et les passions qu’elle soulève ne dépasse guère le cercle de quelques zélateurs du régime. Les conditions dans lesquelles ATT a obtenu son élection, les attentes des Maliens combinées aux déceptions engendrées par son premier mandat devraient l’inciter à persévérer dans l’humilité qu’il observe et qu’il a imposée à ses plus chauds partisans depuis sa victoire. rn
Le dernier mandat de ATT devrait être placé sous le double signe de l’humilité et de l’efficacité. Il en aura besoin parce que malgré sa victoire, son premier mandat a frappé le pouvoir d’un discrédit quasi définitif ; discrédit qui a déteint (irrémédiablement ?) sur sa propre image. La détérioration des conditions de vie des Maliens, la corruption du pouvoir et l’affairisme dans toutes les sphères du pouvoir y compris jusque dans les couloirs du Palais ont sans doute largement contribué à cela. Il lui revient de redresser la barre et de mettre un peu d’ordre dans la maison.
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Les bonnes intentions et son volontarisme débridé que beaucoup de Maliens qualifient de dangereux populisme devraient céder la place à plus de rigueur et de lisibilité. Durant son premier mandat, nos compatriotes ont pu voir un ATT voulant plaire à tout le monde, un ATT très sensible à son image, un ATT qui aime être flatté. Avec les élections présidentielles, nous avons atteint des sommets jamais égalés de flagornerie.
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Même dans son entourage, ceux qui ont compris que ATT se prenait pour Narcisse ont sacrifié l’exigence d’efficacité sur l’autel des intrigues de palais et des phénomènes de cour. Il ne viendrait à l’idée de personne de le voir renoncer à sa personnalité d’homme affable encore moins de se transformer subitement en père fouettard ; mais un chef d’Etat tient en premier lieu l’Etat. Maintenant qu’il est à son dernier mandat, il doit montrer la pleine mesure de ce qu’il sait faire afin de se réhabiliter au bénéfice d’un Etat fort et juste.
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Pour son second mandat, les chantiers qui attendent ATT sont nombreux. Mieux que quiconque, il sait que le moral des Maliens est en berne pour des motifs aussi variés que divers. Pour éviter que la sinistrose ne s’installe de manière durable, il n’y a pas de temps à perdre. Il doit enrayer la flambée des prix des produits de première nécessité. Les arguments des cours mondiaux (pour le lait notamment) pourraient être courts aux yeux de nos compatriotes qui ne comprennent pas ce qui leur arrive : le lait, les céréales, l’aliment bétail etc. tous prennent l’ascenseur.
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Quand ils entendent la Commissaire à la sécurité alimentaire promettre que tout baignera comme dans un paradis sur terre, ils ont la nette impression qu’il y a comme de la provocation dans l’air. Ce n’est jamais trop de le dire mais le fait que tous les syndicats y compris celui de l’ORTM entrent en ébullition est suffisamment indicateur de l’état d’esprit qui flotte sur le pays.
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Le président ATT doit honorer la promesse vieille de mai 2002 de réunir autour d’une table, au lendemain de l’investiture du 8 juin 2002, l’ensemble de la classe politique pour la relecture des textes fondamentaux de la République. Le consensus de son premier mandat était une occasion inespéré de lire et de relire, sans passion, l’ensemble desdits textes. Mais hélas ! Les élections ont apporté la preuve que tous nos textes sont inopérants quand ils ne sont pas obsolètes. De la Constitution à la loi électorale en passant par la charte des partis et le fichier électoral, tout cet arsenal mérite d’être dépoussiéré pour être en phase avec une République qu’on veut moderne et modèle.
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Certains observateurs et même une partie de l’opinion lui prêtent l’intention de vouloir « rectifier » la Constitution en sa faveur pour lui permettre de sauter le verrou de la limitation des mandats et de lui ouvrir le boulevard des présidences à vie. Cela pourrait être tentant mais gare à lui s’il cédait à la tentation. Il devrait plutôt faire en sorte de réussir là où son prédécesseur a échoué : bétonner le verrou de la limitation des mandats pour en empêcher toute autre interprétation que de partir après deux mandats, successifs ou non, sans possibilité de revenir.
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Mais s’il y a un dossier qui doit hanter au propre le président ATT, c’est certainement celui du coton. Il a pu obtenir que la privatisation de la CMDT soit repoussée à l’année prochaine. Mais l’année prochaine c’est dans 6 mois. Or il sait que la privatisation fait peur aux producteurs à tel point qu’un de ses plus fidèles lieutenants en la personne du président de l’APCAM a publiquement déclaré qu’il fera tout pour faire échouer la privatisation. Qu’il bluffe ou qu’il soit en mission (une sorte de ballon d’essai pour voir les réactions), il surfe sur l’angoisse des producteurs qui sont aujourd’hui réduits à l’état d’esclavage.
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ATT appréhende la réaction des cotonculteurs qui ont prouvé par le passé qu’ils peuvent être intraitables. A lui de les rassurer en montrant la voie à suivre dans un langage qu’ils comprennent, fait de vérité, sans démagogie. Sinon, ils l’accuseront d’avoir négocié juste le temps de voir ses élections passées. Cela, sans perdre de vue, que les bailleurs de fonds l’observent particulièrement aux engagements pris par rapport à ce dossier.
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Pour que ATT réussisse les chantiers, qui sont loin d’être exhaustifs, que nous venons d’énumérer, il faudrait déjà qu’il soit capable de remettre les Maliens et leur administration au travail. Et ça c’est tout un programme.
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Elhadj Tiégoum Boubèye Maïga
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