Alea jacta est ! La cour constitutionnelle a confirmé la victoire au premier tour du Président Amadou Toumani Touré. Sans surprise convient-il de le dire en toute honnêteté. Mais à la grande déception de tous ceux qui attendaient de la Cour constitutionnelle qu’elle mette le holà par rapport à ce qui s’est passé le 29 avril dernier et qui de l’avis même de ceux qui accompagnent ATT fut tout sauf des élections. Le Président ATT se retrouve donc dans des habits qu’il connaît mais qui pourraient être bien plus amples et plus lourds que ceux de son précédent mandat.
rnMalgré la courtoisie et la correction dont on peut la créditer, la campagne électorale a montré deux pays qui se côtoient, qui se frottent même, sans se voir a fortiori se connaître. Un pays où il y a les 70% de pauvres qui manquent de tout, y compris le minimum vital : eau, soins de santé, éducation, nourriture, etc. Et un autre pays caractérisé par les nouveaux riches qui en ont jeté plein la vue des Maliens avec une arrogance jamais égalée sous nos cieux : des tee-shirts jetés à la pelle sur les passants, des tonnes de tissus imprimés et gracieusement offerts sous de force, de l’argent comme s’il en pleuvait, du carburant à profusion pour tous ceux qui possédaient du matériel roulant, un étalage de biens (le plus souvent mal acquis) à en dégoûter et à en choquer les Maliens. Tout cela avec cet arrière goût d’impuissance chez les Maliens qui se disent bien que toutes ces extravagances sont faites avec leurs sous.
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Dans son premier discours en tant que nouveau Président élu, ATT a insisté sur le fait qu’il aura besoin de tout le monde pour relever les défis qui l’attendent. Il ne croit pas si bien dire parce que les défis à relever sont autrement plus importants que ceux sur lesquels il a mis l’accent. Le premier défi consistera à réconcilier les Maliens avec eux-mêmes. Son premier mandat a profondément divisé les Maliens et les cassures constatées au niveau des partis politiques, des syndicats, des associations, des corporations ne sont hélas que la partie visible de l’iceberg. Le deuxième défi consistera à réconcilier les Maliens avec leurs institutions.
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Le fossé déjà béant entre gouvernants et gouvernés pourrait s’élargir davantage à la suite des élections où le taux de participation a été très faible, où la triche a été instituée, où lui-même est perçu comme mal élu parce que fruit de ce vol et des fraudes planifiées par l’administration d’Etat. Le troisième défi concerne la poursuite sans heurt du processus électoral. Contrairement au Coppo qui avait inscrit ses actions dans la violence, le FDR a décidé de se conformer à la loi et à la Constitution. Ce qui a dû dérouter les faucons qui l’entourent et qui voulaient casser de l’opposant. Mais le FDR a posé des conditions dont il peut et il doit favoriser la satisfaction.
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En effet, tous les acteurs politiques se sont rendus compte par eux-mêmes que le fichier électoral n’est pas fiable et comporte beaucoup d’erreurs qu’il est loisible de corriger, avec un minimum de bonne foi et de bonne volonté. Pour la crédibilité même des futures opérations électorales et la légitimité des institutions à mettre en place, il faudrait prendre le temps de nettoyer le fichier. Il peut solennellement demandé, maintenant qu’il est élu, aux militaires de sortir du champ politique à commencer par les zélateurs qui sont dans son proche entourage ; tout comme il peut veiller à ce que l’administration reste dans l’impartialité qui lui sied. Le quatrième défi se rapporte à la question du Nord qui s’est malheureusement invitée dans le débat électoral. Le coup de sang de Bahanga n’est pas seulement qu’un coup d’éclat. Il traduit l’expression d’un malaise certain qui ramène à la surface les inquiétudes exprimées par ceux-là qu’on a un peu trop qualifiés de va-t-en-guerre. Ces quatre défis sont des urgences auxquelles, il faudra qu’il s’atèle sans attendre et sans faux fuyants.
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Le Président ATT, empruntant une formule consacrée, a affirmé qu’il sera le Président de tous les Maliens. Cela risque d’être un vœu pieux quand on voit, nous nous répétons, le fossé qui s’est agrandi entre les Maliens et leurs gouvernants. En plus, ceux qui contestent son élection, ceux qui estiment qu’ils ont été floués, le regarderont avec une certaine défiance. Pour notre part, nous souhaitons qu’il soit le Président pour tous les Maliens. Cela suppose, comme l’a écrit le journal les Echos, qu’il se mette à équidistance de toutes les chapelles et tous les clochers. Les derniers mois de son premier mandat lui ont prouvé, s’il en doutait encore, que les Maliens sont réfractaires à toute immixtion de la famille dans la gestion des affaires de l’Etat.
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Quand c’est nous qui l’écrivons, cela choque plus d’un. Mais la vérité est que les Maliens ne veulent plus voir le népotisme, le clanisme, l’arbitraire érigés en système de gestion. Il a pu se rendre compte que les Maliens n’ont pas seulement besoin de logements sociaux, d’infrastructures, de routes, etc. ; le faible taux de participation en est la sanction. Les Maliens aspirent à une meilleure justice, à une plus équité, à la transparence dans la gestion des affaires, à une lutte sans concession et sans démagogie contre la corruption.
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ATT II pourra-t-il être à la hauteur ? C’est tout le mal que nous lui souhaitons. Son rachat et sa rédemption passent par là. Parce que plus que tout le monde, il sait que contrairement à 2002, il ne bénéficiera d’aucun moment de grâce. En tout cas, le FDR dont la hauteur de vue et l’élégance ont été saluées par tous ne ménagera pas efforts pour que le mali retrouve le bon chemin de la République et de la Démocratie.
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Elhadj Tiégoum Boubèye Maïga
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