Deux Afriques aux urnes à deux jours d’intervalle, incarnée par deux visages n’ayant en commun que les rides et la légère courbure du dos caractéristiques du grand âge. L’Afrique la plus âgée incarnée par le Cameroun de Paul Biya bénéficiera d’un autre mandat : le septième en presque trente ans d’un pouvoir qui sait tailler la constitution et le peuple à sa mesure. A 78 ans, le pensionnaire du mythique Louis le Grand et la prestigieuse Sorbonne, est toujours là.
Il a serré la main à Jean Paul II et au successeur de celui-ci, tutoyé Mitterrand et Chirac pendant leurs longs septennats, puis Sarkozy I depuis 2007 et bientôt Sarkozy II ou son tombeur. Il a vu, en outre, passer Ronald Reagan durant ses deux mandats, Georges Bush père, Clinton et Bush Fils dans leur double mandat, puis Obama I et bientôt Obama II ou son tombeur. Voilà pour l’Afrique de la « farce tranquille » où le conseil des ministres est plus rare que l’éclipse solaire et qui est tout juste bonne à railler dans les télégrammes de chancellerie.
Heureusement que ses citoyens humiliés verront demain mardi une Autre Afrique. Celle d’Ellen Sirleaf Johnson du Liberia remontant sa longue nuit, quatorze ans de guerre civile, 250 000 morts, un pays brûlé qui renaît cependant de ses cendres. Par la volonté d’un peuple fatigué de perdre, certes, mais aussi et surtout par l’action de la première femme présidente du continent, la troisième chef d’Etat du continent après De Klerk et Mandela à avoir eu le prix Nobel. Avec une différence notable : l’économiste de 72 ans, formée à Harvard, le plus puissant lobby au monde, reçoit l’honorable distinction à quelques jours d’une élection qui, pour presque tous, n’est plus qu’une formalité alors que tout laisse présager d’une lutte âpre entre la dame de fer et Winston Tubman, son vitriolique opposant. Qui ne s’est pas trompé du tout sur la portée du geste d’Oslo. L’Afrique du progrès et de la décence, non plus.
Adam Thiam