Edito : Union pour la Méditerranée contre Union africaine

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Naturellement, ce n’est pas parce qu’elle étouffe de remords, pour l’avoir colonisée trente ans que l’Italie déroule le tapis rouge même aux chevaux du roi des Rois d’Afrique et qu’elle va dédommager la Libye pour plusieurs milliards d’Euros. Ce n’est  même pas un contrat entre deux pays, mais un deal entre deux démesures, l’une s’appelant Khadafi, l’autre Berlusconi. Le premier ne sera pas interpellé par ses pairs africains. Et le second a besoin de pétrole et des grosses opportunités qu’offre l’opulente Jamahyria. Les beaux discours sur la gouvernance démocratique qui courent de Rome à Washington attendront.

 A un jet de pierre des côtes européennes, il faut bien que le jugement de la cour rende blancs ceux qui ont de l’or noir. Enfin, et ce n’est pas le moins important, l’Europe a besoin de rempart contre des Africains sans perspective autre que leurs semelles et qui ne doivent plus venir jusque dans l’espace Schengen. Celui-ci dispose, bien sûr, des moyens radicaux pour les arrêter, notamment par ses barbelés électrifiés. Mais sous-traiter le boulot, en en faisant une affaire afro-africaine, est nettement plus aseptique.

Et le Guide libyen qui n’aura rien ménagé pour acheter une nouvelle fréquentabilité a le physique de l’emploi. Ainsi, l’Europe n’a plus à promener ses chiens renifleurs le long de la muraille misanthrope que se construira le projet de l’Union pour la Méditerranée, s’il aboutit. L’Afrique le fait déjà pour elle, quitte à aggraver la fracture actuelle entre des Etats subsahariens circonscrits et un Maghreb adulé. Les chiffres font d’ailleurs autorité : la « vigilance » libyenne s’est révélée très payante, ces dernières années, pour recaler les candidats à l’émigration européenne. A vrai dire, que la Libye ne veuille pas être la zone de transit, par excellence, des migrants clandestins est compréhensible : car c’est toute l’Afrique qui veut partir et ce n’est pas à Khadafi de répondre des échecs de gouvernance qui mettent autant de jeunes sur la route de l’exil. Mais, le paradoxe du Guide, lui plus que toute autre dirigeant de l’Afrique du Nord, réside dans le fait qu’il est l’artisan majeur du projet d’Union africaine et le champion des Etats-Unis d’Afrique.

 Or un panafricaniste crédible ne peut pas laisser remplir ses geôles de citoyens africains en attendant de les rapatrier, le plus souvent, dans des conditions plus que déplorables. Le Guide qui n’est pas à un plaidoyer près, devrait au contraire, se faire l’avocat d’une nouvelle justice et d’une solidarité plus accrue susceptibles de maintenir dans les campagnes africaines des bras qui auront plus de valeur ajoutée dans l’agriculture que dans les entreprises de nettoyage de l’Occident.

Adam Thiam

 

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