Édito : tomber de Charybde en Scylla

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La « dictature » aurait-elle le mérite de mieux faire que la « démocratie » ? La question est posée. A chacun sa réponse. Comme celle-ci, extraite d’un document du ministère de l’Education. Il s’agit du « Rapport du Mali » à la  46è session de la Conférence internationale de l’Education tenue à Genève du 5 au 7 septembre 2001. Faisant état des « Principales Réformes et Innovations introduites lors de la dernière décennie », les auteurs écrivent : « A la différence des années 70 et 80 où le système éducatif malien a souffert de manque de vision tant dans la formulation des politiques que dans l’élaboration des stratégies à cause des graves crises politiques, économiques et sociales auxquelles le pays était confronté, les années 90 constituent un grand tournant dans la conception, la planification, la mise en œuvre d’importantes réformes et innovations éducatives et pédagogiques. »

Voilà donc, nettement établie, une distinction entre deux périodes : celle couvrant les vingt-trois années de présidence de Moussa Traoré et celle inaugurée par le passage au multipartisme intégral.

Mais, les faits sont têtus. L’évidence est là, par-delà les prises de position partisanes. Nous avons encore, en mémoire, dans le courant des décennies 1970-1980, le spectacle offert par  ces élèves qui, le jour de la rentrée, se rendaient en classe transportant leur table-banc, le spectacle de ces paillottes tenant lieu de salles de classe. Cependant, ce sont ces élèves qui, ayant étudié dans des conditions fort précaires, après de brillantes études secondaires, une fois admis dans les facultés étrangères, ont tenu la dragée haute à leurs condisciples originaires de pays mieux nantis. C’est qu’à l’époque, il y avait la foi en ce que l’on faisait : avec dévouement et abnégation, le MPC (Maître du Premier Cycle) comme le MSC (Maître du Second Cycle), dans les centres urbains comme dans le Mali profond,  accomplissaient leur mission conçue comme un sacerdoce, inspirés en cela par leurs devanciers « soudanais ».

Aujourd’hui, avec les grèves qui paralysent le système éducatif sur l’ensemble du territoire national, avec plus de 700 écoles fermées dans des localités du Nord et du Centre, la situation dans laquelle se trouve notre école ne manque pas d’être alarmante. Deux mots suffisent pour  caractériser cette situation : « calamité » et « paradoxe ». Le mot « calamité » au sens de « désastre collectif qui affecte tout un pays », n’est pas excessif si l’on sait que, de mars 1991 à ce jour, notre pays a rompu avec la tradition des années scolaires et universitaires normales, années blanches, années facultatives et année crucifiée alternant avec les années tronquées.  Quant au paradoxe, il s’explique par l’énorme écart, le fossé abyssal, pourrait-on dire, entre les investissements consentis dans deux sous-secteurs du système (l’éducation de base et l’enseignement secondaire général) et les bas rendements, tant internes qu’externes.

Pour remédier à la situation, l’on a eu recours à plus d’une solution. Plus d’une action fut entreprise et, en grande pompe, au palais de Koulouba, a eu lieu la signature d’un « Accord de partenariat pour une école apaisée et performante. ». Il a été présenté comme « un accord historique », « un pacte national pour l’éducation ». Seize signatures ont été apposées au bas de ce document. C’était en juillet 2005. Aujourd’hui, avec les grèves qui, depuis plus d’un mois paralysent l’école, c’est comme si nous tombions de Charybde en Scylla.

LA REDACTION

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2 COMMENTAIRES

  1. Notre école est à l’image de notre société :UNE SOCIÉTÉ MERCANTILE.
    On ne saurait donner à la gestion scolaire de la dictature militaire un quelconque satisfecit si ce n’est une certaine stabilité précaire âpre la mort de CABRAL.
    La dictature militaire est largement responsable de cette mercantisalion de notre école favorisant le comportement honteux des enseignants se souciant moins du niveau de leurs élèves qu’ à la satisfaction de leurs intérêts personnels.
    Avant l’arrivée des militaires au pouvoir en 1968 ,les enseignants étaient placés au haut sommet de la préséance des autorités socialistes.
    Les meilleurs élèves étaient orientés dans les écoles dédiées à l’ enseignement.
    N’était pas enseignant qui veut.
    Ce privilège a été cassé par le régime militaire dévalorisant la fonction d’enseignant pour y mettre à la place les fonctions plus liées à la quête de l’argent facile.
    L’ enseignant mal rémunéré,payé à compte goutte,dénigré dans la société jusqu’à trouvé difficilement en mariage les jeunes filles a fini par sombrer dans les pratiques malsaines telles les ventes de sujets.
    Les pouvoirs successifs de l’ ère démocratique n’ont pas su ou pu revaloriser cette fonction enseignante qui fait qu’ on se retrouve avec des enseignants qui n’ont,en grande majorité,été orientés à cette branche parce qu’il n’avait pas de bras long pour changer de sections à l’ école.
    Une nouvelle génération a pris sur elle de revaloriser cette fonction à travers des revendications salariales pensant obtenir la reconnaissance de la société à travers une rémunération salariale.
    La revalorisation de l’enseignant passe par la réforme en profondeur de la société malienne qui détermine le comportement de chaque individu.
    Les voleurs,les escrocs ne le sont plus tant qu’ ils circulent dans les grosses cylindrées.
    L’ enseignant actuel veut être dans les mêmes conditions surtout ceux de l’ école supérieure.
    Les autorités donnent aussi l’impression que c’est possible à travers leurs incapacités à lutter contre les délinquants financiers.

  2. Le sous développement est plus qu’un concept, plus qu’une situation économique attardée, le sous développement est un déséquilibre entre les facteurs de production d’un système et les conditions de reproduction du système.
    Comment mettre en équilibre les facteurs de production d’un système et les conditions de reproduction du système, un équation difficile à équilibrer.

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