Ce n’est pas une énumération agréable mais on ne peut l’éviter. La Libye est devenue un enjeu sécuritaire régional, avec déjà de forts soupçons de transferts d’armes aux mains du crime organisé local. Boko Haram reprend du poil de la bête mais tout le monde sait que son onde de choc peut bien aller au-delà de Maideguri. Après Gao, il y a un an, Tombouctou a aligné hier deux mille marcheurs et envoie le message qu’il a moins de problèmes avec Aqmi qu’avec l’Etat malien.
La Mauritanie impressionne par sa volonté de prendre le taureau par les cornes, mais pour d’aucuns Abdel Aziz est juste en train de prendre les cornes pour le taureau. Car plus il agit, plus Aqmi le brave. Bassiknou après Wagadou en est l’illustration la plus à jour. Se peut-il donc que malgré les discours, les rencontres, les pactes et les opérations conjointes, Aqmi soit en train de monter en puissance ? On peut d’autant moins éviter cette question qu’il y a une autre vraie guerre de communication entre Aqmi et les Etats, notamment la Mauritanie, à propos du bilan des affrontements.
Si tel est le cas, alors ce sera bien la preuve que sans volonté, on ne peut certes pas avoir raison de la nébuleuse salafiste. Mais pareillement, l’expertise doit sous-tendre la volonté de se battre. Sinon, la bête sera plus forte que la chaîne qui est en train de se construire contre elle.
Et qui se construit péniblement, dans les courtes euphories, dans les zizanies redoutées, dans la velléité des uns, dans la fourberie des autres mais pour le malheur de tous. Bassiknou et Tombouctou hier, la Libye depuis peu, le Nord Nigeria de plus en plus et tous les espaces qu’ils desservent ne peuvent pas gagner contre un projet clair et commun de vaincre l’hydre terroriste. A défaut, le Sahel se re-fragilise après avoir donné ces mois-ci des signes encourageants.
Adam Thiam