Edito : Qu’est-ce qu’un état d’urgence ?

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L’Etat d’urgence, compte tenu de la situation sécuritaire générale qui prévaut, a été décrété au Mali. Si le gouvernement à travers cette mesure a fait preuve d’anticipation et de prévention sécuritaire, quand bien même certaines conditions de forme n’ont pas été prises en compte notamment la communication et la réglementation de ladite mesure, il convient de palier au déficit d’informations, prévenir toute dérive sociopolitique, en abordant certains aspects techniques de l’Etat d’urgence dont sa définition, ses principaux éléments constitutifs…

 

Fousseyni Maiga, Dirpub “Le Flambeau”

Consacré par les articles 49 et 72 de la constitution malienne du 25 février 1992 et d’importants traités internationaux, tels que la Convention Européenne des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales (CEDH) et le Pacte International des Droits Civils et Politiques (PIDCP) ; l’Etat d’urgence peut être défini comme une situation dans laquelle s’appliquent un régime restrictif de certaines libertés fondamentales et des pouvoirs exceptionnels du pouvoir exécutif qui se justifient par une situation de catastrophe avérée ou imminente et qui requiert l’adoption de mesures urgentes. Au terme de l’article 72 de la constitution de notre pays, l’Etat d’urgence et l’Etat de siège sont décrétés en Conseil des ministres…et leur prorogation au delà de 10 jours ne peut être autorisée que par l’assemblée nationale. En d’autres termes, un état d’urgence est une réaction juridique temporaire, généralement constituée par une déclaration gouvernementale, faite en réponse à une situation grave et exceptionnelle posant une menace fondamentale à la nation. La déclaration peut suspendre certaines fonctions du gouvernement, prévenir les citoyens de la nécessité de modifier leur comportement habituel ou autoriser les institutions gouvernementales à mettre en œuvre des plans de préparation à l’urgence, ainsi qu’à limiter ou suspendre certains droits de l’homme ou libertés civiles. Le besoin de déclarer un état d’urgence peut survenir de situations aussi diverses qu’une action armée à l’encontre de l’Etat par des éléments internes ou externes (le cas actuel du Nord), une catastrophe naturelle, des troubles internes, une épidémie, une crise financière ou économique ou une grève générale.

Les principaux éléments constitutifs d’un état d’urgence :

Les états d’urgence possèdent deux composantes : un cadre légal consistant en des bases constitutionnelles et législatives (comme consacré dans la constitution du 25 Février 1992), destiné à réglementer l’état d’urgence, et un cadre opérationnel impliquant une structure organisationnelle et des plans stratégiques, destinés à faire face à l’état d’urgence.

Les principes fondamentaux devant être respectés durant les états d’urgence :

 La Constitution ou la législation de chaque pays décrit généralement les circonstances qui peuvent donner lieu à un état d’urgence, identifie les procédures à suivre, et spécifie les limites aux pouvoirs qui peuvent être octroyés et invoqués d’une part et aux droits et libertés qui peuvent être suspendus d’autre part. Bien que chaque pays veuille définir ses propres pratiques, des normes internationales en la matière, prodiguant des standards forts utiles, ont été développées. Par exemple, d’importants traités internationaux, tels que la Convention Européenne des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales (CEDH) et le Pacte International des Droits Civils et Politiques (PIDCP), stipulent que les Etats doivent respecter les éléments suivants : 1°) La temporalité qui se réfère à la nature exceptionnelle de la déclaration d’un état d’urgence. 2°) La nature de la menace qui doit être exceptionnelle et de la crise qui doit présenter une menace réelle, actuelle ou tout au moins un danger imminent à la communauté. 3°) la déclaration qui implique que l’état d’urgence doit être annoncé publiquement ; cela permet d’informer les citoyens de la situation légale et de réduire la possibilité d’un état d’urgence de facto, c’est à- dire, une situation où l’Etat restreint les droits de l’homme sans officiellement proclamer d’état d’urgence. 4°) la communication qui exige la notification de toutes les mesures prises aux citoyens, autres Etats ainsi qu’aux organes de contrôle des traités pertinents. 5°) la proportionnalité qui nécessite que les mesures prises pour faire face à la crise doivent être proportionnelles à la gravité de la situation d’urgence ; ceci s’applique à l’étendue géographique, au contenu matériel et à la durée de la dérogation. 6°) la légalité qui suppose que les restrictions aux droits et libertés fondamentales de l’homme, durant un état d’urgence, doivent respecter les limites établies par les instruments pertinents de droit international et national ; étant donné qu’un état d’urgence n’implique ni une suspension temporaire de l’état de droit, ni une autorisation, pour ceux qui sont au pouvoir, d’agir en violation du principe de légalité, par lequel ils sont liés en tout temps. 7°) l’intangibilité qui concerne les droits fondamentaux ne pouvant être dérogés, même durant les états d’urgence dont : le droit à la vie ; l’interdiction de la torture, l’interdiction de l’esclavage, le droit à être reconnu par la loi et les libertés de pensée, d’opinion et de religion…

En plus de ces droits inaliénables, le Comité des Droits de l’Homme a reconnu plusieurs autres clauses qui ne peuvent être dérogées en aucune circonstance à savoir : le droit de toute personne privée de liberté à un traitement humain ; les interdictions de prise d’otage et de détentions arbitraires ; la protection des droits des minorités ; l’interdiction de l’incitation à la guerre ou à la haine nationale, raciale ou religieuse ; les garanties procédurales et celles destinées à assurer l’intégrité du système judiciaire.

 Les pouvoirs spéciaux pouvant être proclamés durant un état d’urgence :

 Des pouvoirs spéciaux d’urgence sont attribués au gouvernement par vertu de la constitution ou de lois statutaires. Il s’agit de mesures ou de pouvoirs d’urgence pouvant largement varier. Il s’agit à titre d’exemples de la restriction de la liberté de la presse et l’interdiction des réunions publiques ; le déploiement de forces armées sur le territoire national ; l’éviction des lieux d’habitation ou de travail ; la fouille de maisons et d’autres lieux privés sans mandat, des arrestations sans charge ; la confiscation et/ou la destruction de propriétés privées (avec ou sans compensation) ; la réglementation des opérations d’entreprises privées, l’interférence dans les transactions financières et dans les réglementations d’exportation et la mise en œuvre de législations spéciales pour punir le non-respect des réglementations d’urgence.

Au regard des différents éclaircissements qui viennent d’être apportés sur l’Etat d’urgence et de sa nécessité en cette étape très cruciale de la vie de notre pays, il revient à chaque citoyen de se l’approprier et de le respecter et au gouvernement de sévir, en cas de non-respect, pour éviter toute tentative de compromission des efforts en cours dans le cadre la reconquête du Nord.

 

FOUSSEYNI MAIGA

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5 COMMENTAIRES

  1. “…Il convient de palier au déficit d’informations,prévenir toute dérive sociopolitique,en abordant certains aspects techniques de l’Etat d’urgence dont sa définition ,ses principaux éléments constitutifs…”

    C’est bien d’y avoir pensé.
    Merci!!!

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