Ce qu’elle n’a pu obtenir dans la salle de délibérations de l’Assemblée Nationale, l’opposition vient de l’obtenir par la rue, dans la rue. Le Président de la République, du bras de fer qui l’opposait à l’écrasante majorité du peuple, a pu obtenir une porte de sortie ; mais, une porte de sortie peu glorieuse. Pour deux raisons.
Primo : sa majorité, à l’Assemblée Nationale, a déployé un fort capital d’énergie pour faire accepter le projet de révision constitutionnelle par les populations. Des tournées ont été organisées à l’intérieur du pays. Des plateformes de soutien créées. Des partis membres de la CMP, comme l’ORTM, mis à contribution. Rien n’y fit : le camp du refus, peut-être plus motivé, en tout cas, plus percutant, plus dynamique, a emporté l’adhésion des populations. Dans une démocratie, cela n’est pas signe de bonne santé car cela signifie qu’il y a décalage entre deux formes de majorités : celle issue des urnes par les pratiques que nul n’ignore et celle, silencieuse, qui, quand elle se manifeste conteste la légitimité de la première et la rend peu crédible.
Secundo : le Président de la République, face à la vague de contestation, a eu une déclaration très forte : « Je trahirai si je n’organise pas le référendum » ! Qu’en est-il aujourd’hui ? En politique, il ne faut jamais surestimer ni ses capacités, ni celles de l’adversaire. L’opposition, parlementaire comme extraparlementaire triomphe et peut se prévaloir du succès de son « ultimatum ». Mais, il peut se rassurer, il n’a pas reculé, il n’a trahi personne ; au contraire il s’est rangé à l’avis de la majorité du peuple et cela ne peut que l’honorer. Une autre démarche aurait été l’expression d’une témérité aux conséquences imprévisibles.
Maintenant que les passions vont s’apaiser, que faut-il faire ? Retrouver le petit train-train du quotidien, l’expédition des affaires courantes, le traditionnel conseil des mercredis avec ses textes, ses nominations, ses communications sans impact sur le réel et laisser l’immense partie du peuple dans les rets de la peur et la précarité ? Le premier magistrat de la Cité a apporté une réponse à ces questions dans son adresse à la Nationale sur les ondes de l’ORTM le vendredi 18 août 2017. Certains passages méritent d’en être repris. Nous en avons sélectionné les trois suivants :
L’une des grandes chances de notre pays réside dans le fait que dans les périodes les plus complexes, il se trouve toujours des hommes et des femmes qui se dévouent pour réduire les divergences et pour entretenir les chemins du dialogue. Or, aujourd’hui, nous Maliens avons impérativement besoin de nous écouter, de nous comprendre et d’aller ensemble de l’avant. Cette triple exigence doit être gardée à l’esprit par tous nos compatriotes. Cette triple exigence s’impose tout particulièrement au Président de la République, Chef de l’Etat que je suis. Ma fonction fait en effet de moi le principal garant de la cohésion sociale et le premier défenseur de l’intérêt national.
… à l’heure où notre pays est confronté à tant de défis majeurs, on ne saurait ajouter aux périls existants ceux que font naître la mésentente, la polémique et le malentendu. Nous devons prendre le temps de nous retrouver pour échanger sans détour.
En prononçant ces paroles, le Président de la République développe ce à quoi il s’est refusé jusqu’ici. Dès son élection, comme pour s’affranchir de l’emprise de son parti, il a déclaré ne pas lui devoir son élection. En effet, la lame de fond qui l’a porté au pouvoir était provoquée par tout un peuple qui avait cru en ses capacités d’homme d’Etat fait pour redresser un pays à terre. Mais, la surprise, sinon la déception, à l’annonce de la composition du premier gouvernement. Certes, des partis furent associés à la gestion du pouvoir, cependant, pas de manière suffisamment satisfaisante pour contribuer à l’œuvre de redressement. Lors des négociations à l’Alger, l’opposition a insisté pour être associée aux travaux, pour que le texte issu de ces négociations soit un texte consensuel, expression du point de vue du peuple. Cela ne fut pas le cas et nous nous sommes laissé imposer un texte qui, à la pratique, s’est révélé impossible à mettre en œuvre.
Le Président de la République est pratiquement au terme de son premier quinquennat. Cependant, douze mois sont encore suffisants pour réaliser ce qu’il a exposé comme solution, dans son adresse à la Nation du 18 août, ce qu’il a reconnu comme étant de son devoir et qui, par conséquent, s’impose à lui :
Il me reviendra en tant que Président de la République à faire prendre les dispositions nécessaires pour que le dialogue qui s’engagera soit inclusif et dépassionné. Je ne sous-estime pas le chemin que nous aurons à faire les uns vers les autres. Mais si chacun de nous place au-dessus de toute autre considération la sauvegarde de notre patrie, je ne doute pas que nous trouverons des points de convergence.
Le projet de révision constitutionnelle n’est pas à suspendre, il est à remiser dans les placards. Pour faire face aux deux défis qui nous interpellent : libérer et réunifier la Patrie, nous libérer du carcan des Puissances d’Argent. Depuis le lointain Rwanda, Paul Kagamé nous convie à cette double entreprise dans une interview accordée à un quotidien de la place. A la question : « Le Sahel et principalement (…), le Mali, a des problèmes de terrorisme. Que ferez –vous pour cette partie du continent ? » Il répond : « On peut coopérer avec d’autres, mais là n’est pas la vraie solution. Il faut que les Maliens travaillent à trouver les vraies solutions endogènes (…) Il est vrai qu’IBK est venu dans des conditions difficiles, mais, vous devez, au Mali travailler à vous conforter et ensuite coopérer. »
Ce point de vue n’a cessé d’être exprimé par votre quotidien depuis son numéro de lancement. Ce qu’il faut à l’heure actuelle, ce n’est pas la réédition des Partis Signataires du Pacte Républicain (PSPR) ni du « consensus mou ». Mais une réelle unité d’action pour le sursaut national sous l’égide du Président de la République.
LA REDACTION