C’est un secret de polichinelle. Le Mali traverse des moments sombres de son histoire. L’ampleur de la crise que vit notre cher pays devrait nous interpeller tous. Aussi, devrions-nous remplir notre devoir de vérité et de courage face aux enjeux et défis du processus de sortie de crise. Lequel processus est loin de connaitre son épilogue à cause d’une insécurité grandissante qui s’est généralisée sur l’ensemble du territoire national. Une partie du nord du pays est contrôlée par des groupes armés qui dictent la loi. Le centre, précisément la zone de Mopti, est devenue une zone où s’affrontent Peulhs et Dogons, chacune des deux communautés s’accusant de façon mutuelle. On assiste impuissamment à des pratiques génocidaires.
Il plane aujourd’hui sur le Mali un désordre généralisé qui instille dans les esprits un besoin de pouvoir fort, un appel à un « modèle Kagame » (le président du Rwanda) pour redresser le pays. Cette tentation de la force au détriment de la démocratie est d’autant plus séduisante pour certains qu’ils ont le sentiment amer que les libertés démocratiques acquises il y a vingt-sept ans ne veulent plus rien dire et qu’elles ne nourrissent personne. Ah le Mali, un grand de culture, jadis jaloux de ses valeurs ancestrales, empires, est tombé très bas. Où va le Mali, terre des grands empires ?
L’assassinat barbare et sauvage de l’imam Abdoulaye Aziz Yattabaré, la semaine dernière, illustre à suffisance la crise de valeurs que traverse notre pays au vu et au su de tout le monde. Chacun pensant que c’est l’autre la cause de la déchéance. Chaque Malien est fier de ses ancêtres et chacun pense qu’il a hérité d’eux les meilleures valeurs culturelles et cultuelles. Alors, que se passe-t-il ?
Cet acte ignoble commis par un jeune homme élevé dans une société gérontocratique comme la nôtre interpelle tous les parents. Nous devons comprendre que ce n’est plus la parole qui éduque nos enfants. Ce sont nos faits et gestes quotidiens. Il y a seulement 40 ans, dans ce pays, un enfant n’osait pas regarder ses parents dans les yeux pour lui parler, à plus forte raison le contredire quand celui-ci s’exprimait. Aujourd’hui, nos enfants nous agressent verbalement et parfois même physiquement sur la place publique. Où va le Mali, berceau de l’hospitalité ?
Le présumé assassin s’appellerait Moussa Guindo, un prénom à consonance musulmane. Il serait issu d’une famille musulmane et aurait reçu certainement une éducation islamique. Hélas ! Tel ne semble pas être le cas. Un chrétien aurait-il le courage de commettre un tel forfait sur un imam chez nous ? Personnellement, je n’en suis pas sûr.
Au nom de la préservation des valeurs islamiques au Mali, nous sommes capables de nous mettre ensemble pour faire pression sur nos gouvernants politiques quand il s’agit de retirer le Code de la famille ou le manuel scolaire sur l’Éducation Sexuelle Complète parce que nous ne voulons pas que l’éducation de nos progénitures soit pervertie. Au même moment, nous avons le regret profond de constater que nous sommes en train d’élever dans certaines familles des démons à l’image de cet “individu” qui a poignardé ce guide spirituel, membre du Haut Conseil Islamique. Difficile d’y croire en tout cas.
C’est ce que je qualifie souvent de “paradoxe malien”. Sommes-nous vraiment sincères dans nos combats pour faire du Mali un vrai pays musulman ? L’Islam étant considéré comme une religion de paix, de tolérance et de respect, nous devons nous demander si nous sommes réellement musulmans dans ce pays à 95%, ou si nous ne portons seulement que des prénoms musulmans. Paix et Grâce divine sur l’âme de l’illustre Imam. Que Dieu l’accueille dans son immense paradis et aide le grand Mali à sortir de ce vaste complot ! Amina Yarabi !
Aliou Touré