Appréciée de loin, l’Union africaine paraît avoir tendu une perche à Kadhafi, en reconduisant la proposition faite par le Guide lui-même de ne pas faire partie des négociations demandées et en ne demandant pas aussi explicitement son départ que le fait la Coalition. D’ailleurs, que ce soit des leaders comme Melesse ou Yaya Jammeh qui exigent la démission du Libyen ressemble à l’hommage du vice à la vertu, mais c’est un détail. L’essentiel est que vu d’assez près, l’organisation continentale a lâché Kadhafi.
La preuve ? Elle intègre une période de transition avec des élections démocratiques, ce qu’en d’autres temps, personne n’aurait osé proposer à Kadhafi sous peine d’encourir ses colères homériques ou ses expéditions punitives. D’ailleurs, c’est le Guide qui proposait son modèle de gouvernance, pourfendant le mimétisme de ses pairs, et ce jusque dans les enceintes de l’Ua dont la charte constitutive préconise la gouvernance démocratique. Une telle disposition peut donc s’apparenter à un coup de grâce au colonel libyen.
Car même sur le Zimbabwe ou sur le Soudan, au plus fort de la crise darfourienne, personne, dans le syndicat présidentiel, n’avait osé demander le retrait de Mugabe ou d’El Beshir. Signe des temps ou érosion occidentale de la souveraineté de pays qui ne veulent pourtant rien concéder à la Commission qu’ils créèrent pour accélérer l’intégration, c’est la qualité de la gouvernance d’un pays membre qui a été jugée à…Malabo.
Et peu importe si, vendredi dernier, comme il le fait depuis des mois, le président libyen fusille impunément ses insurgés. Personne n’a cru devoir invoquer ce double standard au sommet pour questionner la bonne foi et la rationalité des exigences de Paris, Londres ou Washington. C’est pourquoi il ne faut pas croire que ses pairs ont aidé Kadhafi : ils lui ont plutôt aménagé une sortie. Et bien sûr, l’Otan préfèrerait un tel deal à la ruineuse expédition qui est la sienne en ce moment.
Adam Thiam