A eux trois avec 120 milliards pour Khadafi, 60 milliards pour Moubarak, 3 milliards pour Ben Ali, la fortune des trois victimes du tsunami qui balaie le monde arabe totalise 180 milliards d’euros. Livré comme cela, ce chiffre parle peu. Mais c’est tout à fait différent dès qu’on réalise qu’il s’agit de plus de la moitié du Pib du Nigeria avec ses 150 millions d’habitants.
C’est près de soixante dix fois la richesse totale annuelle du Mali. C’est de loin supérieur au Pib total de l’espace Cedeao moins le Nigéria. Enfin, le Guide à lui seul a deux fois la richesse de son pays, Moubarak un peu plus de la moitié des richesses de l’Egypte et Ben Ali seulement le 15è du Pib tunisien. Sans doute, évoquant les causes de la soudaine éruption, les livres d’histoire en parleront un jour. Et si la belle révolution en cours ne finit pas sa course dans la poche des élites contre lesquelles elle gronde, les élèves de la postérité seront partagés entre le dédain pour leurs ancêtres et l’incrédulité devant tant de boulimie insensée.
Ils se demanderont ce qui a pu rendre possible une telle anomalie. On leur répondra: le sommeil des peuples, la peur du cachot et de la mort, le formol diffusé heure par heure par la télévision publique et d’autres causes toutes plus honteuses les unes que les autres. Mais le petit-fils de Ziegler sera peut-être là pour compléter, donner un diagnostic différentiel. Il incriminera l’estabishment, le système contre lequel son ancêtre s’est battu toute sa vie durant, montrant pour les peuples d’Afrique plus de compassion qu’aucun de leur leader n’aura su montrer. Il leur démontrera que si un pillage à une échelle aussi inhumaine a pu avoir lieu, c’est qu’il y avait des coffres à Genève, Zurich, Monaco et dans bien d’autres paradis off-shores pour loger et blanchir les larcins.
Il leur dira aussi ceci : l’Occident de l’époque n’a publié les chiffres et annoncé le gel des avoirs indus que quand au milieu des flammes et des corps d’insurgés, il était devenu clair que les peuples ne peuvent être vaincus et qu’ils ont toujours raison. Il terminera par cette agressive conclusion : au fond, pour se comporter de manière aussi cavalière, il fallait que la chance de nos leaders en leur temps, en France, au Royaume Uni ou aux Etats-Unis, fût qu’ils n’eurent jamais eux-mêmes eus ce qu’ils finançaient en Afrique : l’émergence d’une société civile « vibrante ».
Adam Thiam
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