Question : quand on est Soninké ou Hal pular né au Sénégal ou au Mali de parents mauritaniens, quelles sont les chances d’être recensé Mauritanien et pas immigré clandestin venu de l’autre rive du fleuve tripartite pour grossir le flot des demandeurs d’emploi? Très peu de chances répondront les Négro-Mauritaniens.
Une variante plus que dangereuse du délit de faciès dans un Etat qui s’est livré, il y a vingt ans à un vrai nettoyage ethnique, occasionnant un déchirant trauma et une émigration sauve qui peut chez des victimes dont plusieurs générations d’ascendants sont nées sur ces terres où eux devenaient subitement indésirables. Au nom de la supériorité du cheveu lisse sur le cheveu crépu, de la juste dose au lieu de l’overdose de mélanine.
Au nom de l’auto-validation de ceux qui, moyens d’Etat à l’appui, refusent la diversité et le pluralisme et n’ont de considération que pour une langue, une culture : la leur exclusive et pas celle de l’autre. Qui peut être transformé en esclave et qui, de toute manière, ne peut être qu’un esclave parce qu’il est noir! La Mauritanie, a-t-elle tiré les leçons des charniers bassistes ? A-t-elle seulement médité le lourd passif humanitaire d’une République qui se dit islamique ? Le pardon demandé par l’Etat et le retour qui s’ensuivit d’autochtones chassés de chez eux étaient pourtant des signaux encourageants.
Et Abdel Aziz, le président qui pratique le wolof comme un authentique baol-baol, avait su rassurer. Toute sa stature d’homme d’Etat est requise aujourd’hui pour faire en sorte que le recensement ne soit pas l’enterrement d’une partie intégrante de la Mauritanie où berbères, arabes, peuls, wolofs et soninkés naissent et vivent égaux et libres.
Adam Thiam