Il y a un paradoxe ATT. Dans sa profession de foi électorale en 2002, le candidat ATT se posait en champion du "renforcement des partis politiques" fragilisés, marginalisés, voire exclus de la gestion des affaires publiques par l’impitoyable monopole exercé par l’ADEMA, commentaient immodérément ses partisans. Mais comme disent les marxistes, la praxis est l’unique critère de vérité. Or qu’a donc révélé la pratique ATTéenne en la matière ? Que loin d’être un artisan du "renforcement des partis politiques", le Général devenu président de la République apparaît comme celui qui s’applique à les affaiblir, à les pousser, lentement mais inexorablement, à la désintégration en orchestrant en leur sein la désunion, s’il ne se livre pas à des débauchages purs et simples. Ceci, bien entendu, dans l’unique but d’assurer en toute quiétude sa réélection en 2007.
Les exemples sont légion pour illustrer cette assertion. L’ADEMA traverse la période la plus critique de son existence -peut être vit-elle ses ultimes heures- avec la décapitation annoncée pour son premier-vice président, Soumeylou Boubèye Maïga et d’autres éminents membres de son directoire coupables de rébellion contre "le soutien électoral" que le parti a promis d’apporter à ATT et de prôner une candidature interne. Le parti risque de s’embourber dans une procédure judiciaire qui achèvera de le discréditer tandis que ses éléments "sains", ceux-là qui revendiquent la fidélité à ses idéaux, ses règles de fonctionnement et ses intérêts vont rallier SBM et le nouveau parti qu’il ne manquera pas de créer.
L’URD, on le sait, est née de la trahison de certains hauts dirigeants de l’ADEMA -dont l’actuel ministre du Plan, Marimantia Diarra et son homologue de l’Agriculture, Seydou Traoré- qui ont utilisé les moyens humains et financiers de ce parti pour battre campagne au profit du candidat ATT contre le candidat officiel de la Ruche, en l’occurrence Soumaïla Cissé. Eh bien, l’URD vient de tenir, le week-end dernier, les congrès constitutifs de ses femmes et de ses jeunes ainsi que sa conférence nationale. Motif de ce branle-bas de combat : apporter un semblant de caution démocratique à la décision déjà prise par l’état-major politique de soutenir ATT à la présidentielle d’avril 2007.
On se rappelle qu’il y a quelques mois, il était plutôt question de promouvoir soit une candidature interne, soit de former une alliance avec le RPM qui, dans cette perspective, avait même renoncé à présenter un candidat à la législative partielle en commune IV -fief de son feu vice-président Kadari Bamba- pour donner toutes ses chances à Mme Coulibaly Kadiatou Samaké, vice-présidente de l’URD. On n’a pas besoin d’être extra-lucide pour comprendre que la main du Général est passée par là. Les promotions faites aux barons du parti, leurs parents et leurs proches ne sont pas étrangères à ce retournement spectaculaire. Les mauvaises langues susurrent même que l’argent qui a servi à financer les assises du week-end est tombé tout droit de Koulouba. La caisse noire n’est-elle pas faite, après tout, pour conforter le président dans son fauteuil ? Il ne reste plus aux tenants de la candidature interne et de l’alliance avec le RPM d’IBK qu’à pleurer sur leurs illusions évanouies. Une constante toutefois : l’unité de cette formation n’est que de pure façade.
Autre victime de Mon Général : le PARENA de Tiébilé Dramé. C’est un secret de polichinelle que ce parti est traversé par deux courants adverses qui pourraient devenir, à l’orée des élections, antagoniques : un courant pro-ATT, animé par le député Kaourou Doucouré et un courant qu’on pourrait appeler "souverainiste" car plaçant le Mali et le PARENA au-dessus de ATT, refusant tout alignement mécanique sur quelque candidat que ce soit et préférant donner la parole aux militants pour qu’ils disent, en toute liberté et responsabilité, à qui ils souhaitent offrir leurs voix en 2007.
Enfin le RPM, le seul parti à avoir eu, jusqu’ici, le courage d’annoncer qu’il présentera son chef, IBK, à la présidentielle à venir. Là, le Général, qui semble exceller dans la guerre politique plutôt que dans la guerre tout court -même s’il est diplômé de la célèbre école de guerre de Paris- use d’une tactique toute différente, qu’on pourrait même qualifier de radicale : il s’agit du débauchage. Le dernier exemple en date, le plus honteux, le plus scandaleux, le plus intolérable est celui de la démission de la ministre de la Santé, Mme Maïga Mint Youba, du parti qui l’a fait entrer au gouvernement.
A ce train là, si ATT parvient à se faire réélire sur les cadavres des partis politiques, c’est tout le substratum de la démocratie malienne qu’il va falloir reconstruire, pierre après pierre, quand il ne sera plus là après 2012.
Saouti Labass Haïdara
“