Edito / La messe est dite à Conakry

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Guttural, appliqué mais sans doute ému, c’est peu avant 21 heures hier soir que Siaka Sangaré a provisoirement déclaré la victoire de l’opposant historique à près de 53% des suffrages exprimés, avec près d’un million et demi de voix. Il était déjà l’opposant historique. Le voilà en passe de remporter un autre titre : celui de premier président démocratiquement élu de la Guinée.

De la prison jadis il passerait au palais bientôt. Quelle belle histoire si l’histoire s’arrêtait là. Ce qui n’est pas encore fait. Pour la simple raison que Cellou Dalein, son rival qui menait très largement au premier tour et qui devait aussi avoir les voix tu troisième du scrutin de juin, Sidya Touré, avait averti plus tôt dans la journée du lundi : il n’accepterait pas les résultats proclamés sans examen préalable de ses requêtes.

A tort ou à raison, l’Ufdg crie à la fraude et demande l’annulation du vote dans certains des bastions de Alpha Condé, ce qui lui permettrait alors de coiffer le candidat du RPG au poteau. La Guinée sait faire dans le surréalisme mais que, dans quelques jours, les juges déboutent Condé là où la Ceni l’a déclaré vainqueur paraît impensable. Annuler le second tour alors ? 

Une autre boîte de Pandore dans un pays fatigué des élections et de ses aléas. La messe peut bien avoir été dite. Cellou Dalein d’ailleurs semblait le comprendre qui demanda sans l’obtenir que la Ceni prenne tout son temps pour éviter l’irréparable. A ce stade et pour son avenir politique qui n’est pas compromis, le malheureux vaincu qui a le destin de ses militants en mains suivra t-il la consigne de Aznavour, c’est-à-dire savoir quitter la table quand l’amour est desservi ? Pour la grandeur que requiert la politique. Et pour sa Guinée tout court.

La décision n’est pas facile. Mais jusqu’au bout nous y croyons. Nous osons encore croire en la passion des acteurs guinéens pour leur pays meurtri par un demi-siècle de cruauté et de terreur. Croire que les appétits personnels s’effaceraient devant l’intérêt supérieur de la nation.

 Croire que, malgré le bilan calamiteux des processus électoraux africains, cette fois-ci, la Guinée s’embrasserait au lieu de s’embraser. Et montrerait à l’Afrique qu’elle est enfin de retour au lieu de sombrer de nouveau. Les pneus calcinés et les douilles de cartouche dans les rues ne font pas un pays. Ils le défont plutôt et la Guinée, scandaleusement belle et prometteuse en dépit des contingences du jour mérite bien de survivre à un scrutin.

Adam Thiam

 

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