Il s’appelle Jean Christophe Ruffin. Une plume exquise. Un esprit indépendant. Il a eu beaucoup de chance d’avoir été en poste dans un pays tolérant, ouvert et partageux. Qui l’a accueilli, s’en est accommodé et qu’il traite par-dessus la jambe à quelques jours de la fin de sa mission.
Comme les explorateurs, hier, chargés d’éclairer la lanterne de la métropole sur ces nègres insouciants qui se bouffaient entre eux, le néo ambassadeur avait aussi sa « mission de civilisation » : rendre tout plus compliqué pour Abdoulaye Wade, un président atypique et éclectique qui avait de fortes chances de s’émanciper de Paris, car sa doctrine était connue et ses comportements imprévisibles. Le serpent s’est donc mordu la queue. La mission de Ruffin prend fin et il regrettera toujours ce front de mer et la séduisante presqu’île qui l’ont souvent inspiré car il a pris ses aises à Dakar qui a fini par être pour lui juste un atelier d’écriture.
Tout ça c’est l’affaire de la France décadente et bananière avec une particularité en matière de politique africaine qui ne se pratique ni à Washington, ni à Beijing, ni à Londres. Une particularité scandaleuse, exclusivement française et totalement méprisante pour l’Afrique, de Pretoria à Banjul. Dans tous les cas, qu’un ambassadeur puisse dire ce qu’il a dit sur son pays et sur ses hôtes se passe de commentaire. Ruffin a parlé en tant que représentant officiel de la France : celle-ci, au nom de la démocratie et de la charte universelle des droits de l’homme peut passer l’éponge sur les gravissimes coups de poignards qu’elle vient de s’auto infliger.
Mais au Sénégal, et surtout à l’Afrique, elle doit des excuses. Car même quand on s’appelle Ruffin, on ne peut être aussi désobligeant vis-à-vis de l’Amérique, de la Russie ou de la Chine. C’est l’Afrique une fois de plus qu’on méprise et ça c’est notre affaire. Cette chaîne du mépris a hélas pour maillons forts ces nègres qui se bouffent entre eux. La preuve : les propos de Ruffin ont mis l’opposition sénégalaise en extase et cela est encore plus scandaleux.
Adam Thiam