Le beau Blaise se trouve t-il vraiment au cœur d’un tsunami sans tremblement de terre préalable ? Il y a juste un trimestre qu’après une victoire à la soviétique, le doyen des chefs d’Etat de la Cedeao était investi pour nouveau un mandat de cinq ans. Et qu’il laissait entrevoir avec un naturel à faire pâlir ses pairs sur le départ, un déverrouillage constitutionnel devant lui permettre d’être candidat à sa succession dans…cinq ans. Ce ne peut être à l’ordre du jour, entre les coups de feu des mutins, la colère des commerçants et la grogne des étudiants.
Car c’est un véritable cocktail de griefs emboîtés à la manière des poupées russes, – en ce qui concerne en tout cas l’armée- que Compaoré affronte. Avec quelques atouts : une sérénité impressionnante, un sens politique dénotant de la longue expérience de l’homme et une rassurante disposition au dialogue. Mais aussi avec quelques désavantages : il a accédé trop facilement aux doléances des mutins, donc il révèle sa vulnérabilité, ensuite il paraît encourager un déni d’Etat de droit dans le cas de la mutinerie de Gorom.
Enfin, l’homme fort de Ouaga donne l’impression de capituler plus facilement devant la pression de son armée que les revendications du front social et le double standard pourrait se retourner contre lui. Quand ? Trop tôt de risquer un pronostic dans la mesure où ces mutineries sans affrontements ont un coût humain tout à fait gérable jusque-là. Quelques blessés à cause des balles perdues! C’est l’indication que Compaoré cherche à calmer le jeu mais c’est aussi la preuve qu’il peut -être contesté sans que les loyalistes ripostent.
A moins que les mutineries ne soient pas forcément un malheur pour un Chef d’Etat que les mouvements de la société civile et de son opposition politique avaient commencé déjà à défier. Donc la main invisible du président ? Au-delà du risque calculé, cela relèverait d’un calcul risqué. Car la rupture entre les civils et leur armée de plus en plus vandale est sur le point d’être consommée. Dans le vaste champ des possibles qu’ouvre désormais leur crise, une seule certitude : les Burkinabé ont franchi le mur de la peur. Ou Compaoré change ou ses compatriotes le changent.
Adam Thiam