Edito International / Guinée : C’est la démocratie qu’on assassine

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Kouchner le veut, certains syndicalistes le veulent, l’Alliance arc en ciel d’Alpha Condé bat le pays sans soucis, mais on ne peut plus écarter l’hypothèse du report de la date du second tour de la présidentielle guinéenne. Celle-ci est prévue pour dimanche prochain. Cependant, personne ne peut prédire comment Conakry se réveillera d’ici à là. Lundi, des heurts éclatent entre les forces de l’ordre et les partisans de Cellou Dalein Diallo qui réclament le remplacement du nouveau président de la Ceni, Lounceny Camara accusé de rouler pour Alpha Condé. Le soir, le Premier ministre Jean Marie Doré condamne et déclare à la télé que l’ordre public sera maintenu par tous les moyens.

Mardi, nouvel affrontement avec un plus lourd bilan : une trentaine de blessés et deux morts, semble-t-il, ce qui indique en soi que la Guinée tend vers le seuil d’irréversibilité dans la spirale de la violence responsable pourtant des tragédies que bien de ses voisins ont connues dans un passé récent. A quatre jours de l’échéance, on voit mal comment l’Ufdg qui n’a pas retiré son exigence et qui compte maintenant des blessés dans ses rangs pourrait aller à la présidentielle. A moins d’être sûre de la remporter, quels que soient les schémas.

 Or cela, Cellou Dalein Diallo ne peut plus en être sûr. Intelligent, l’homme savait depuis la proclamation des résultats du premier tour qui l’a vu écraser ses challengers que le temps mort n’était pas à son profit. Il n’eut de cesse de tirer la sonnette d’alarme, d’accuser Jean Marie Doré d’être dans un deal avec son adversaire Condé, jusqu’à cette soirée fatidique où le directeur des opérations de la Ceni avouait publiquement que son institution ne pouvait pas aller aux élections alors prévues le 18 septembre dernier et ce, après un premier report déjà. L’arrivée du nouveau patron de la Ceni à la place de Sékou Ben Sylla décédé allait susciter une nouvelle levée de boucliers des partisans de Diallo qui pressentent un plan de cession du pouvoir à Alpha Condé.

Dans ces conditions, on voit mal le leader de l’Ufdg aller au deuxième tour dans quelques petites heures. A moins d’être sûr de le remporter, quel que soit « alpha ». Une assurance dont il s’est gardé jusque-là. Mais alors que vaudra un scrutin avec Condé seul en lice ? Pas grand-chose à vrai dire, car on ne voit plus cela qu’en Corée du Nord. Et ensuite, la défection de l’ancien Premier ministre baisserait considérablement le taux de participation, donc la légitimité d’Alpha Condé que la Cour déclarerait alors vainqueur.

 Mais la loi prévoit le scénario et la légalité est en, général, ce que la communauté internationale réclame. Il restera que l’on aura assassiné, par un empressement incompréhensible, un processus électoral qui avait tout pour donner à l’Afrique de l’Ouest une belle démocratie. Trop tard, ce n’est ni le séjour à Conakry du ministre burkinabé des Affaires Etrangères ni de celui du président gambien qui y changeront désormais quelque chose. Repousser la date du scrutin pour essayer d’arrondir les angles reste dans l’ordre du possible et ce serait plus rationnel. Mais depuis février, on savait que la Guinée ne pouvait être prête pour juin entre un premier jet de listes électorales calamiteuses, l’inertie d’une Ceni peu compétente et les réserves maintes fois exprimées du gouvernement -elles ne furent jamais entendues mais contournées -. C’est la démocratie guinéenne qu’on est en train d’assassiner. Mais consolation ou malédiction, elle entraîne dans sa chute un Général Sékouba Konaté à l’image aujourd’hui plus qu’écornée.

Adam Thiam

 

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