La ville d’Houphouët ne peut plus se vêtir de « probité candide » mais elle s’est parée de ses plus beaux atours pour accueillir soixante délégations étrangères, vingt et un chef d’Etats et tout le gratin de la Côte d’Ivoire. Alassane Ouattara ambitionne, certes, une cérémonie sobre et respectueuse de la tragédie que son pays n’a su s’épargner. Il a raison.
Car plus « jamais ça » comme il l’a promis après l’évaluation consternante du beau gâchis veut dire savoir entendre les sanglots de Duékoué dans chaque salve de canon saluant l’arrivée des hôtes qui veulent être témoins du retour de la Côte d’Ivoire. « Plus jamais ça », comme le président qui sera investi demain l’a promis, veut dire avoir une pensée pieuse pour tous ceux qui sont tombés, de quelque bord qu’ils soient, Ivoiriens ou non, de l’anonyme cireur d’Abobo au milicien de Yopougon. « Plus jamais » ça veut dire guérir, à la racine, un pays auquel on a appris le viol et la mort pour punir la différence et la diversité. « Plus jamais ça » veut dire, du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest, une seule Côte d’Ivoire, celle qui, autrefois, justifiait l’admiration des voisins devant ses performances.
Quand toutes les délégations seront rentrées chez elles, il restera un pays et son président face à la tyrannie des urgences dans un contexte de récession économique où même payer les salaires relèvera de l’exploit. Chaque Africain, en particulier chaque Ouest-africain, doit plaider pour que la Côte d’Ivoire pacifiée retrouve au plus vite son statut de pivot, de terre de brassage et de haltes.
Alors, nous devons être, sans égoïsme national, partie prenante du plan de redressement du candidat Ouattara avant que l’histoire de son pays ne bégayât de nouveau en décembre 2010. Nous devons être avec les Ivoiriens pour dire à Sarkozy, Obama et tous les autres chéquiers que le Plan Marshall pour la Côte d’Ivoire, ce ne doit pas être demain ou après-demain. Ce doit être aujourd’hui. Nous devons être avec les Ivoiriens pour dire à Alassane Ouattara : « Président, faites en sorte que dans l’intérêt de la démocratie au nom de laquelle vous avez été contraint de recourir à la violence vous aussi, la presse, le droit et les libertés de vos adversaires soient préservés ». Après tout le massacre, c’est la seule justification d’une investiture qui emprunte au sacre.
Adam Thiam