La constance en Guinée, de Sékou Touré – peut être même avant – à Moussa Dadis Camara, c’est une vie politique marquée par la violence. La révolution des années d’indépendance, dans sa fougue et sa démarche meurtrière, ici plus qu’ailleurs, a mangé ses fils, parfois les plus valeureux. Camp Boiro, Camp Alpha Yaya, diète noire et pendaisons publiques, que de bourrasques au dessus de la tête de ce que l’on supputait la Suisse de l’Afrique.
Cette intolérance des enfants de Guinée les uns envers les autres fait partie des mœurs et est devenue presqu’une valeur de culture. Après s’être longtemps exprimée sous Lansana Conté, de son fait ou à son nom, elle a connu son apothéose quand au stade du 28 septembre 1958, justement dédié aux martyrs des luttes héroïques passées, on y avait violé et éventré comme pour fêter le cinquantenaire de la République. Aujourd’hui, sous des formes exacerbées de conflits ethniques, de sourdes et inutiles rivalités politico-militaires, la Guinée semble assise sur un volcan pas encore éteint, malgré le chemin de la démocratie qu’elle s’ouvrit avec l’élection d’Alpha Condé.
Le coup porté contre Condé, hier, quelle que fût sa forme, ses auteurs et ses motivations, sera une nouvelle blessure contre la Guinée et les Guinéens, contre sa démocratie naissante, contre l’espoir de voir les problèmes politiques gérés autrement que par des moyens politiques. Par des moyens politiques, car c’est le seul chemin qui vaille et Alpha Condé le sait bien qui a appelé au calme et à la sérénité. Le Président de la République qu’il est sait qu’un pays ne change pas du jour au lendemain et qu’il faudra traverser des embûches monstres pour parvenir à la Nation qu’il se figure dans son imaginaire et à laquelle il veut donner un corps et surtout une âme.
La Guinée pendant un quart de siècle a été dirigée par d’autres hommes souvent porteurs de contrevaleurs, un pays où, il y a peu, le pistolet le plus rapide avait raison et où les intérêts occultes et la colonisation du pouvoir politique ont installé un establishment qui ne se laissera pas désarçonner sans rien tenter. Ce sont ses poches rétrogrades qu’il faudra savamment et patiemment circonscrire et extirper. De ce point de vue, la gestion qui sera celle réservée à cet épisode douloureux devra convaincre que le pays a changé et que le passé ne mangera plus jamais le présent et n’entravera aucunement la marche glorieuse vers le futur. Pour le peuple de Guinée.
S. El Moctar Kounta