Triste France : un coup de théâtre après l’autre. L’affaire DSK d’abord avec ses odeurs d’alcôve presque subies en direct. Puis maintenant, les placards grands ouverts de la Françafrique par un de ses animateurs de premier plan. Pas qu’elle soit nouvelle la déclaration que des présidents africains finançaient ou financent encore les élections françaises. Bluff ou pas, le témoignage le plus récent vient des Kadhafi contre Sarko. Et coïncidence ou relation de cause à effet, l’imprudente famille est, depuis, nettoyée au karcher de l’accusé. Mais que la révélation ou la calomnie vienne d’un Bourgi, acteur et mémoire des coulisses des palais africains et français tient du séisme.
Contre la droite française en ce moment mais avec une forte probabilité d’irradier la gauche en cas de réplique. A condition qu’il reste à la famille gaulliste des combattants d’une guerre autre qu’intestine. Car même si ses propos sont vrais, Robert Bourgi aura fort à convaincre que ses aveux sont ceux d’un sage qui au soir de sa vie, « taraudé par sa conscience » se repent en réalisant l’étendue des charniers, des reculs et des rapines dont il a été le facilitateur à défaut d’en être l’instigateur. De Dakar à Abidjan en passant par Lomé et Libreville, personne n’avalera la couleuvre du regret tardif. Et plus aucun palais, sous les tropiques, n’acceptera d’ouvrir la mallette de soutien devant l’indiscret émissaire. Pas plus qu’à un nouvel intermédiaire, « les Blancs étant tous les mêmes » comme le pensent intimement les chaumières et les palaces du continent.
Il est à cet égard indiscutable que Bourgi a tué la poule aux œufs d’or qu’est une certaine Françafrique. Ce n’est pas pour le malheur des démocrates africains qui se sont battus pied à pied pour le bien-être de leurs pays mais qui ont vu l’Elysée dérouler le tapis rouge à des présidents inamovibles, issus d’élections truquées et sanglantes, ou arrivés là où ils sont après de ruineuses guerres civiles. Le tout dans le mépris le plus total pour les enfants qui n’arrivent pas à être scolarisés, les femmes qui meurent en couche, les jeunes pour lesquels mourir à Ceuta et Mellila est moins probable que de rester au village, à la merci d’un préfet voyou, d’un maire spoliateur ou de la nième vague de choléra. S’il a trempé dans le genre de transactions qu’il dénonce aujourd’hui et pour le compte de tiers, il n’y a alors aucun doute que Bourgi, non plus, est loin d’aimer l’Afrique. Mais sa haine nous rend tellement service aujourd’hui !
Adam Thiam