Aussi bizarre et invraisemblable que cela puisse paraître, la majorité présidentielle se mue en opposition chaque fois que l’Exécutif est représenté par le Premier ministre Cheick Modibo Diarra. De la même manière la majorité primatoriale devient rapidement une force de l’opposition chaque fois que Koulouba sort une décision qui ne l’arrange pas.
Ainsi le groupement politique, proche du Président Dioncounda Traoré, représenté par le FDR, est de la majorité quand l’Exécutif est incarné par le Président par intérim et se transforme, quelquefois en même temps ou tout de suite après, en opposition radicale chaque fois que le Premier Ministre s’exprime en Chef de l’Exécutif. La même chose est aussi valable pour la COPAM, dans des rôles inversés de soutien au PM et d’opposition au Président Dioncounda; avec en prime, même la possibilité d’une alliance théorique offerte à la junte militaire chaque fois que la position du Premier ministre ne l’agrée pas. Impossible d’y voir clair ou de maintenir un quelconque cap. Alors cela devient carrément une véritable schizophrénie institutionnelle quand le Parlement entre dans cette danse endiablée en se positionnant comme émanation de la majorité incarnée par le Pr Dioncounda et comme parlement d’ «opposition majoritaire» contre l’Exécutif primatorial.
Cette configuration politique renseigne sur la complexité de la crise institutionnelle du Mali. Cette crise est caractérisée par la coexistence des différents pouvoirs institutionnels qui, au lieu de collaborer pour permettre un fonctionnement optimal de l’Etat, au lieu de rivaliser d’indépendance et de performance pour maintenir un équilibre minimal entre elles qui nourrit le système démocratique qui les héberge, ces différents pouvoirs se neutralisent mutuellement dans un exercice vicieux et cynique de négation de tous les pouvoirs. La conséquence est tout autant dangereuse et porteuse de puissants germes de déstabilisation de la République, de somnolence de l’Etat et de désordre social.
Cet état de fait a l’inconvénient de favoriser l’implication tacite de l’armée qui, malgré qu’elle soit retournée depuis longtemps dans les casernes, comme on la lui avait légitimement demandé, reste un recours crédible et rassurant aux yeux de ceux qui incarnent ces institutions, devenues des coquilles vides, parce que sans pouvoirs réels. Alors chacune des institutions de la Transition, du fait d’arrière-pensées politiques très pressantes, cherche les faveurs de la junte militaire qui n’est demandeur de rien, mais est régulièrement courtisée à travers le Capitaine Sanogo.
Il s’avère dès lors nécessaire et urgent que des bonnes volontés neutres de la société civile, des organisations islamiques ou de l’église, impartiales et sans aucune ambition politique, s’attèlent à un replâtrage au sommet de l’Etat par une réconciliation entre le Président de la République, le Pr. Dioncounda Traoré et le Premier Ministre, Dr Cheick Modibo avant que la République ne vole en éclats. Ce sera trop tard.
Sans oublier que le Conseil constitutionnel, en tant qu’organe régulateur du fonctionnement des institutions, la Cour suprême et les Spécialistes des institutions, doivent regarder de plus près ce monstre institutionnel en gestation sous nos yeux depuis quelques mois.
C’est ce qui arrive chaque fois qu’un Etat tombe entre les mains de non-Hommes d’Etat, même si cela est le fruit d’un jeu démocratique réussi.
Le résultat s’exprime tristement devant nos yeux; l’Etat peine à organiser des concertations nationales inclusives au Mali malgré tous les pouvoirs et les moyens qu’il détient.
Trop de suspicions, trop de soupçons, trop de calculs, trop d’adversités, trop d’animosité, trop de mesquineries, etc….couvrent l’atmosphère déjà chargée des concertations nationales.
Ces querelles de clocher, cette guéguerre sur fond de défense d’ambitions présidentielles maladroitement voilées, sont le fait d’adversaires politiques en conflit ouvert, mais aussi d’alliés de circonstances peu sincères et prêts à se trahir à la première occasion. Les enjeux de la prochaine élection présidentielle empêchent tout compromis entre les acteurs connus et ceux tapis dans l’ombre tirant les ficelles en attendant la bonne opportunité pour un positionnement plus favorable. Jusque-là il n’ya aucun problème, car ces manœuvres sont normales en politique et acceptables en démocratie. Seulement, le contexte de crise que traverse le Mali ne se prête pas à ces farces de mauvais goût qui ont tout l’air d’une tragicomédie politique, surtout quand tout porte à croire que la libération des territoires occupés du nord du Mali est reléguée au second plan dans leurs stratégies de conquête de KOULOUBA.
Pour le moment la situation est seulement incongrue et incohérente, mais elle peut devenir sous peu affreuse et ridicule si les différents acteurs tardent à se ressaisir.
Il est temps que les acteurs politiques maliens et l’Etat s’accordent à un recours sincère à un médiateur ou une association de médiateurs neutres, impartiaux et apolitiques ayant une bonne moralité et dont le patriotisme est incontestable.
Aliou Badara Diarra