Edito : Discordance inquiétante au sommet de l’Etat !

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Dans le cadre de sa session ordinaire d’Avril, ce vendredi 17 juin, le Conseil National de Transition (CNT) a adopté la nouvelle Loi électorale du Mali. 115 Conseillers ont voté pour, 3 contre et aucune  abstention.  Ce vote-plébiscite  survient  après que la Commission Loi du CNT  ait procédé au  toilettage du texte du Projet  de Loi déposé par le Gouvernement. Lequel a été soumis à  92 amendements

A l’analyse, le législatif a bien désavoué l’exécutif. A l’évidence, le texte adopté par le CNT  aura  vidé de  toute sa substance celui du Gouvernement.  Notamment, en ce qui concerne les missions et la composition de l’organe unique de gestion des élections appelé : Autorité Indépendante de Gestion des Elections (AIGE).  Ce qui  est bien révélateur  d’une  discordante  inquiétante  dans les rapports entre  les deux pouvoirs. Faut-il alors craindre une rupture entre les deux institutions ? Le risque est très probable !

Mais que va changer  cette nouvelle loi électorale ? Comportant 225 articles repartis entre 8 titres, elle est d’autant  plus déterminante  qu’elle fixe le régime du Référendum, de l’élection du Président de la République et des Conseillers des Collectivités Territoriales. Mais elle  l’est davantage,   parce que c’est elle qui fixe   aussi le régime de l’élection des membres de l’Assemblée Nationale et des Conseillers nationaux…N’est-ce pourquoi les ministres qui défendaient le Projet de Loi Gouvernemental ont publiquement réfuté  la version amendée. Bien que celle-ci  soit majoritairement adoptée par les Conseillers du CNT. Cette situation, qui oppose désormais le Parlement transitoire au  Gouvernement Transitoire,  est inédite au Mali.

Si la nouvelle Loi électorale est promulguée par le Président de la Transition, le choix des membres de l’AIGE sera  désormais confié aux Institutions, aux Partis Politiques et à la Société Civile. Il va s’en dire que  le CNT aura, en ce moment, bien  réussi son coup en  remettant en selle   les Partis politiques au sein de l’Organe unique de Gestion des élections. Ainsi  l’Administration, devant  continuer d’organiser  les élections des différents scrutins à venir : les présidentielles, législatives et municipales, resterait un maillon important du jeu électoral. En ce moment,  s’envolerait  le rêve du  PM Choguel et son Gouvernement de pouvoir imprimer leur marque sur   la création du nouvel organe unique de gestion des élections. L’AIGE ne serait plus l’organe unique de Gestion des Elections.

Dans un système démocratique normal, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif sont  en principe en phase. Sauf  en période de  cohabitation où  les deux pouvoirs peuvent naturellement connaître des discordances. Or  au Mali, on  n’est  ni en système démocratique  normal ni, en cohabitation politique mais en période transitoire. Pourquoi donc  une telle discordance entre le CNT et le Gouvernement?  Le premier  aurait-il estimé qu’il a plus de légitimité  populaire que le second  pour  avoir tranché  sur les missions et la composition de l’organe unique de gestion des élections appelé ‘’AIGE’’?

Par son mode de désignation, même s’il joue présentement   le rôle et les prérogatives de l’Assemblée Nationale, il est évident que le CNT  est loin d’être  légitime. D’autant que les Conseillers  qui le composent ont été simplement nommés (dans l’opacité totale)  par un décret du président de la Transition. Ils  ne sont  donc pas l’émanation de la volonté populaire mais simplement du pouvoir discrétionnaire d’un seul Homme, le Chef de l’Etat. Idem, pour les membres du Gouvernement nommé aussi par un décret du même président de la Transition !

Toutefois  le Gouvernement, dans sa démarche,  estime  vouloir respecter la légitimé populaire dans l’écriture du  texte de son Projet de Loi. Aussi se défend-t-il  de s’être inspiré de l’esprit et des lettres des recommandations des Assises Nationales de la Refondation (ANR). De sorte que, si l’on considère  que les ANR  ont été ouvertes à l’ensemble des Forces vives (populations, partis politiques, Organisations de la Société civile), par conséquent que ce sont des milliers de maliens des quatre coins du pays (depuis les quartiers, villages  ou fractions, les communes, cercles et régions jusqu’au niveau national)   qui se sont exprimés, l’on est certainement en droit d’admettre qu’elles sont bien l’émanation du peuple. Donc qu’elles jouissent de la  légitimité populaire.

Alors, comment le CNT s’est-il  donné le droit de passer outre les recommandations (à caractère exécutoire) des ANR ?  Pourquoi le président du CNT a-t-il délibérément malmené les deux ministres  du Gouvernement qui défendaient le Projet du Gouvernement, jusqu’à leur retirer la parole ? Pourquoi le Conseiller Souleymane Dé, le président de la Commission Loi du CNT, est si fier devant les medias sociaux et la presse d’avoir réussi son coup contre le Gouvernement mais en l’occurrence  contre Choguel ? Ce sont autant d’interrogations que le Chef de l’Exécutif devra  vite répondre !

Il est de toute façon  une évidence, le Projet de Loi Gouvernemental, a été adopté par le Conseil des Ministres en sa séance du 24 Novembre 2021. Il a certainement eu l’aval du Président de la Transition. Ceci étant,  alors nul ne peut  douter que le législatif malien,  incarné actuellement par le CNT,  a désavoué le  Président  de la Transition. A quoi peut-on alors s’attendre ?

Le Chef d’Etat Assimi Goïta est donc mis devant un choix cornélien. Il doit illico presto  trancher entre le président du CNT et le PM. D’ailleurs, n’est-ce pas lui et lui seul  qui est l’autorité, de dernière instance,  qui possède  les prérogatives  constitutionnelles de  promulguer  ou pas  la nouvelle Loi, dissoudre le CNT ou le Gouvernement ?  Il est donc vivement et instamment attendu !

Gaoussou Madani Traoré

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