Mardi, le 17 août 2010, je sors de
Un individu, teint ébène, enturbanné, sale et chaussé de vulgaires godasses, sort. Il fonce sur une dame qui vendait des produits médicaux dans un seau, exhibe une carte et saisit la marchandise. La dame le poursuit et lui demande ce qui se passe. Il répond « viens à la voiture et tu sauras ! ». La vendeuse comprend que ses affaires venaient d’être saisies. Elle supplie le tyran qui lui sert du mépris mais arrive à récupérer le pot en plastique qui contenait sa maigre recette.
Bien sûr, vendre des médicaments dangereux est répréhensible et l’Ordre des pharmaciens à le droit de protéger sa petite mafia de compteurs de pilules. Mais en toute chose, il faut respecter les procédures, expliquer avant de sévir. La dame qui vient ainsi de perdre toute sa fortune a simplement crié « N’ta yafa fo lahara ! » Son seul recours est de s’en remettre à Dieu. Elle ne sait même pas quoi faire après cette saisie. Et aujourd’hui, à Bamako, tous les jours, ce sont des centaines de gens qui sont victimes de cette injustice quotidienne et ne peuvent que s’en remettre à Dieu. Pendant ce temps, pendant qu’on s’acharne sur les petites gens, qu’on spolie les plus démunis, le Végal nous rapporte que ceux qui sont forts ont volé 112 milliards de nos francs. Personne n’osera, eux, les humilier comme cette dame.
Cet incident m’a rappelé un événement inoubliable de ma vie de journaliste. En 1993, au Liberia, pendant la guerre, je me suis retrouvé au quartier général de Prince Johnson, un chef rebelle. Il y avait dans son groupe un gamin de 16 ans du nom d’Anthony James. Au moment de mon arrivée, le petit discutait avec une famille qui voulait récupérer un corps. James voulait 1000 dollars libériens pour rendre la dépouille. La famille a payé avec deux vaches. Puis, questionné, l’adolescent m’a répondu : « Ce type était un agent des eaux et forêt. Il y a dix ans, il a confisqué la seule charrette que possédait mon père en l’accusant d’avoir coupé illégalement du bois. En voyant mon père pleurer, s’humilier en suppliant le bonhomme de prendre le chargement mais de lui rendre sa charrette, j’ai juré que je tuerai un jour cet agent. Il a ruiné ma famille et hier, j’ai eu l’occasion de le tuer. Je l’ai fait, avec plaisir. Nous avons trop souffert d’injustice dans ce pays et nous réglerons tous nos comptes avant les négociations. »
La dame de mardi s’en est remis à Dieu, l’ultime Juge et en ce Mois Béni de Ramadan, Puisse le Seigneur Exaucer ses vœux. Mais il faut penser à Anthony James et se dire qu’il y a une limite à l’injustice et à l’appel à Dieu. Pour des gens qui n’ont ni honneur ni dignité, tôt ou tard, les citoyens laisseront Dieu de côté pour régler les comptes terrestres. Le rôle d’un gouvernement, d’un Etat organisé et démocratique est d’empêcher qu’on en arrive là. Wa salam !
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