Edito / Crépuscule au pluriel

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Abidjan de l’ivoirité instrumentalisée pour en faire une doctrine de destruction massive rappelle aujourd’hui le Berlin de l’automne 1945 détruit par l’effet boomerang d’un nazisme ivre qui sema sur sa route ruines, fumées et deuil. Mais en compagnie d’Eva Braun digne jusqu’au bout, Hitler choisit l’immolation à la honte d’être pris vivant, jugé puis pendu comme les caciques du Reich qui n’eurent pas le temps, avant l’arrestation, de mordre leur capsule de cyanure.

Pour Gbagbo, à moins que les informations ne soient fausses, son exfiltration par l’Onuci et Licorne qu’il n’a cessé de désigner à la vindicte populaire, relève d’une auto-humiliation qui discrédite le héros de la lutte anti-coloniale que se veut l’historien populiste. Surtout qu’il n’y a plus de trace de la pyromane Simone dont la bravoure a été trop tôt déclarée et que les faucons du Fpi devenus de simples moineaux négocient leur reddition.

Une double défaite car la première était de n’avoir pas compris que la seule bataille qui valait pour la Côte d’Ivoire c’était celle du 28 novembre 2010 avec un face à face entre deux finalistes qui avaient charmé le monde et par un scrutin au taux de participation historique.

La Côte d’Ivoire tenait là sa victoire sur les démons de l’ethnisme, du régionalisme et de la xénophobie et Gbagbo en acceptant les résultats des urnes certifiés par l’Onuci, s’offrait l’Histoire, celle du vrai soldat de la démocratie à la place de l’image de baroudeur boulimique qu’il est en train de laisser. Dommage car les Ivoiriens sont morts par centaines et se sont réfugiés par centaines de milliers. La fin de Gbagbo n’est plus qu’une affaire d’heures. Qu’il tombe les armes à la main ou qu’il prenne les jambes à son cou, qu’il signe l’attestation de défaite qui lui est demandée ou non, le bluff ne peut plus lui sauver la face.

Mais la capitulation de Gbagbo n’est pas le triomphe de l’Onu qui doit expliquer au peuple ivoirien pourquoi elle n’a décidé d’intervenir que maintenant. L’argument des armes lourdes ne convainc que quelques crédules. Car la seule arme lourde c’est le refus du droit, le passage en force, chars et lance roquettes n’étant que la conséquence de cette stratégie du fait accompli. Mais dans sa chute, le président sortant amène également à se poser des questions majeures sur la viabilité d’une Union africaine buissonnière, ballotée et cacophonique. Il est évident que pour la dignité de l’Afrique, le mégaphone démonté vaut nettement mieux que le mégaflop actuel.

Adam Thiam

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