Justifiant ses raids par la résolution 1975 de l’Onu interdisant aux parties ivoiriennes l’usage d’armes lourdes, l’aviation française participe depuis quelques heures à ce qui est qualifié d’assaut final contre Gbagbo.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : le Palais bombardé avec peut-être Gbagbo dedans, la Rti pilonnée. Pas de bilan humain déclaré même si les dégâts d’une telle décision sont toujours plus importants que les chiffres officiels ne le reconnaissent. L’intervention française marque indiscutablement donc un tournant dans la crise ivoirienne. Elle rapproche davantage Gbagbo de ce qui était inévitable et qu’il était le seul à ne pas percevoir : son départ, peut-être sa fin physique. Mais là est aussi l’inquiétude de plusieurs observateurs dès les premiers jours de la crise postélectorale de novembre.
Une action musclée contre l’usurpateur déclenchée dès début décembre pour faire respecter les résultats certifiés par l’Onuci n’a pas les mêmes conséquences, la même portée que maintenant où le conflit s’est polarisé divisant davantage la Côte d’Ivoire et l’Afrique de l’Ouest dans une large mesure. Dès lors, on ne peut pas éviter de se demander pourquoi maintenant et pas avant.
C’est-à-dire avant qu’il fût possible et paraisse normal de sortir les armes lourdes, avant tous ces charniers, avant tout ce beau gâchis qui au-delà, de la Côte d’Ivoire ou de l’Afrique est la défaite de l’homme. Gbagbo mort sous les frappes de l’Onu ou de Licorne n’a pas la même signification que Gbagbo capturé ou tué par le commando invisible.
C’est en amour que tard vaut mieux jamais. En guerre, le moment psychologique est capital. Ce moment, l’Union africaine l’a fait rater à la Cedeao : elle en paiera désormais le prix, elle qui n’a jamais eu d’égards pour les peuples. Et l’Onu ? Juppé ne sera pas le seul à la tenir responsable de la tragédie ivoirienne, Choi n’ayant pas utilisé tout son mandat, selon le ministre français pour faire appliquer le verdict des urnes. Mais la principale victime collatérale de la crise ivoirienne, c’est d’abord Alassane Ouattara. Privé de la jouissance de son droit, le voilà en train de grignoter sa légitimité. Car qu’il puisse gouverner sur le cadavre possible de Gbagbo n’est pas évident. Sauf si la Côte d’Ivoire a été changée par la sale guerre.
Adam Thiam