Edito / Compaoré au creux de la vague

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Entre mutineries, grèves et manifestations, la chronologie du désordre qui règne de plus en plus au pays des hommes intègres est à la fois lassante et révélatrice. Lassante, parce que se déchaînant à répétition et à des intervalles très serrés, les garnisons prennent en otage les gestes de vie, donc la quiétude des quartiers et la routine des marchés.

 Lassante parce que les doléances exprimées par les troupes tournent toujours autour de primes non versées ou modiques et rien d’autres, renvoyant de Compaoré l’image étonnante d’un président obligé de négocier le revolver contre la tempe, et du Burkina Faso les scènes des bons vieux westerns où le partage du butin finit toujours par le massacre.

Avec ses inévitables dégâts collatéraux, comme hier à Bobo Dioulasso, chez des civils qui en ont jusque là d’être exposés au balles perdues et qui avaient, de toute façon, déjà dénoncé le double standard du pouvoir devant les doléances. En des concessions qui mirent fin, la semaine dernière, à la grève des enseignants. Et que révèle la crise burkinabé, car l’hypothèse de la crise est devenue légitime? Un mouvement plus profond et plus insidieux charriant grogne sociale et malaise politique, le tout sous un dénominateur commun : un appel de sang neuf.

 Auquel Compaoré n’est pas resté sourd, il faut le reconnaître. Car, sa nouvelle ligne est celle de la négociation là où dans le passé il sortait les muscles. De plus, il engage de plus en plus de ressources d’un pays qui ne peut pas se permettre de folies, entre l’onde de choc du marasme économique ivoirien et les vulnérabilités chroniques du Sahel.

Et puis, il avait cru devoir sacrifier son ancien gouvernement sur l’autel d’une contestation d’un type nouveau. Puisque qu’elle ne se contente pas du type de coalition citoyenne issue des suites de l’affaire Norbert Zongo et des célèbres placards qu’elle a ouverts.

 Elle y ajoute, depuis peu, la défiance d’une armée à la réputation de discipline et de rigueur jusque-là. Ainsi donc,  le médiateur attitré des crises voisines et président- doyen de l’Afrique de l’Ouest ne peut pas ne pas avoir compris que tous ses gestes d’apaisement ne semblent plus suffire et qu’il se trouve au cœur d’une spirale. Qu’il tende la main, on lui réclamera le bras. Et qu’il donne le bras, on lui demandera sa tête. Sa patience est celle du caïman et sa ruse celle du Sioux. Mais surmonter le courant impétueux d’une alternance confusément exprimée certes, mais voulue, est son défi. Et celui-ci paraît définitif.

Adam Thiam

 

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