Qui va gagner n’est pas l’enjeu de la présidentielle burkinabé dont le premier tour s’est déroulé hier sans heurts ni injures. Blaise succédera à Compaoré sans avoir besoin de recourir à la jurisprudence électorale du continent faite de bourrage d’urnes et de holdups électroniques.
L’enjeu immédiat sera la victoire au premier tour avec un taux de participation élevé et plus tard ce sera un probable déverrouillage constitutionnel permettant au vainqueur de briguer cinq autres années. Pour le taux de participation, une précision s’impose d’emblée : il peut être très élevé sans signifier de plébiscite car, on le sait, les Burkinabé ne sont pas bousculés pour se faire enrôler volontairement sur les listes électorales.
Ce qui équivaut à la moitié du corps électoral. Mais avec 80% des voix, ce qui relève du possible voire du plausible, Compaoré aurait eu le suffrage de près de trois millions de ses compatriotes. Un tel chiffre est pharaonique pour la sous-région. Le futur président de la Guinée tirera sa légitimité d’un million et demi de voix et celui de la Côte d’Ivoire, fera au maximum deux millions et demi de voix. Ainsi donc au niveau national, l’homme fort de Ouaga aurait fait mieux que ses adversaires et sans doute de très loin -l’écart entre lui et son second sera un autre enjeu mais marginal-. En plus, au niveau de la sous-région, un haut score renforcerait le leadership de Compaoré.
Un leadership devenu quasi naturel malgré les saillies concurrentes du Sénégal qui ne l’ébranlent pas sur la durée alors qu’au regard de l’orthodoxie démocratique et au plan des idées, Me Wade reste très compétitif. Autre enjeu donc : s’il est déjà un grand notable de la politique africaine et s’il a pu faire de son pays une sorte de hub diplomatique, la réélection paisible et triomphale de Compaoré ne peut que lui faire de bien et le reconduire dans ses fonctions de médiateur des crises sous-régionales. Et pourquoi pas continentales ? En venant pour cinq nouvelles années, le président burkinabé n’a presqu’aucune chance d’éviter d’être le président en exercice de l’Union africaine, un jour ou l’autre. Surtout que c’est bientôt le tour de la région ouest-africaine. La victoire de Compaoré semble donc élémentaire. Mais à cet homme dont on a tout pardonné, elle ouvrira une voie royale vers la consécration.
Adam Thiam
