Edito / Bateau ivre

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Toute honte bue, nous demandons pardon au Premier ministre qui ne pouvait pas aller au grand oral devant les députés sans sa lettre de mission qu’elle a reçue seulement hier. Quelle efficacité! Sauf hélas que, dans la nasse où nous sommes, l’ironie est de très mauvaise inspiration. Autant que la fuite en avant.

Et c’est de la fuite en avant quand le président du Haut Conseil des Collectivités territoriales crie à la faute collective concernant le retard qu’a accusé le fichier électoral, issu ou non du Ravec. Les responsabilités d’un gouvernant ne peuvent jamais être égales à celle d’un gouverné. Le premier est le fondé de pouvoir du second. Sa mission comporte des servitudes -ce sont elles que les démocraties sincères révèlent- mais aussi des grandeurs et elles seules comptent dans les mélanges de gouvernance bananière et de logique coutumière où tout se ramène au pouvoir personnel et à la prosternation de la Cour. Non, les gouvernés n’ont aucune responsabilité dans la situation actuelle du processus électoral.

Que les partis se soient tus pendant tout ce temps ne dédouane pas non plus les pouvoirs publics car la présidentielle à temps échu lorsque la constitution n’accorde aucune dérogation relève de l’impératif. Dès lors, il faut s’opposer au type d’argument qui met dans le même sac le bourreau et la victime, l’accusé et le plaignant, l’effet boomerang des malices et les erreurs commises de bonne foi. Il faut mettre les problèmes à plat dans la sincérité et le respect de la nation, éviter de se tromper de message et pousser à bout des passagers innocents qui vivent avec effroi les embardées du bateau ivre.

Car le bateau est ivre lorsqu’un ministre et un directeur national de Police se vouant une haine cordiale -jamais arbitrée- s’affrontent par syndicats interposés. Le bateau est ivre lorsque c’est le président de la République qui dénonce la dérive de l’école comme un parent d’élève désemparé.

Le bateau est ivre quand le même président met sur le compte de la seule médiatisation l’inacceptable stratégie du chaos à l’œuvre au Nord-Mali, et ce au moment où notre diplomatie s’emploie méritoirement au langage de responsabilité sur le diagnostic et les thérapies sur ce qui n’est ni plus ni moins aujourd’hui que la tumeur qui conduira fatalement à la métastase terminale bientôt, si nous continuons à nous mentir.

Adam Thiam

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