J’en retiens que Barack Obama n’a pas vraiment changé. L’épreuve du pouvoir, ce double mandat de huit ans, n’a fait que le renforcer dans cette idée majeure qu’il avait exprimé avec force lors de la Convention démocrate de Boston en 2004, à savoir que la politique est une question d’idéal mais surtout de capacité à parvenir à des compromis au service de ce qu’on appelle l’intérêt général. Entre les promesses qu’il avait faites en 2008, par exemple pour la réforme de l’assurance santé, le pouvoir lui a appris qu’on n’impose rien par sa seule volonté. A l’époque, il avait pourtant la majorité à la Chambre et au Sénat, mais il a bien compris qu’il fallait à la fois composer avec son aile gauche et avec les républicains modérés. Sa réforme, il a fait en sorte qu’elle s’installe progressivement sur un calendrier qui irait jusqu’au bout d’un éventuel deuxième mandat. Finalement, il le raconte dans ses mémoires, cette réforme majeure de l’histoire contemporaine aux Etats-Unis a été adoptée à cinq voix près à la Chambre et sur le fil au Sénat. A-t-il eu tort de chercher à négocier, aurait-il pu passer en force? En tout cas, cette réforme a donné naissance au Tea Party des populistes, elle est la cause de sa débâcle électorale en 2010, une majorité perdue au Congrès, une majorité qu’il ne retrouvera jamais mais qui ne l’empêchera pas, lui, d’être réélu en 2012. Comme un pied de nez prémonitoire à Donald Trump.
“Obama a eu beau prôner la réconciliation entre communautés, rien n’y a fait. A-t-il échoué? Oui. Mais son successeur Donald Trump a fait pire, il a encouragé le racisme.
On y apprend aussi la patience et la compassion dont tout dirigeant d’une grande démocratie, doit faire preuve. Changer les lois d’un pays, modifier les habitudes des gens, inciter à changer de mentalité prend du temps, des années sans être à l’abri de rechutes. En 2008, Obama en pleine campagne électorale, menacé par un scandale qui concernait son pasteur, avait prononcé un grand discours sur les rapports compliqués qu’il y a entre la religion et la race aux Etats-Unis. Il a convenu que la lutte pour les droits civiques des années 60 et les lois de déségrégation qui ont suivi, n’était rien si les citoyens, les fidèles dans les églises, les Américains entre eux ne changeaient pas d’attitude dans leurs stéréotypes, leurs préjugés, leur racisme inconscient. Il n’a pu que déplorer en tant que président les bavures policières envers de jeunes Noirs. Il a beau eu dire que chacun devait se mettre à la place de l’autre, prôner la réconciliation entre communautés et surtout la compassion à l’égard des victimes et de leurs familles, rien n’y a fait. A-t-il échoué? Oui. Mais son successeur Donald Trump a fait pire, il a encouragé le racisme, le rejet de l’autre, l’intimidation et l’impunité. De ce point de vue, là-aussi, Obama était un anti-Trump par anticipation. Ou plutôt, c’est Trump qui a voulu se conduire comme l’exact opposé d’Obama.
“Il n’a pas vu l’Amérique qui se cachait derrière le phénomène Trump
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Mais Obama n’a-t-il pas commis l’erreur de sous-estimer Trump?
C’est ce qu’il raconte dans le livre et dans les extraits que nous publions. Lorsque Trump a mis en doute sa nationalité américaine, Obama a préféré l’ignorer puis il a fini par riposter avant de se moquer de lui. Il pensait que c’était un clown. Il s’est trompé, il n’a pas vu l’Amérique qui se cachait derrière le phénomène Trump, le rejet des élites et du système et notamment d’Hillary Clinton, son ancienne rivale qu’il avait fini par promouvoir. Mais avec le recul, historiquement, la victoire de Biden lui a donné raison, le trumpisme n’est pas majoritaire. Sauf que Biden va devoir parler maintenant et convaincre qu’il peut agir en faveur de l’autre Amérique, celles des sans-grades. Cette mission là est presque impossible mais Biden a la foi. Il va essayer et personne, je crois, ne lui en voudra d’essayer.