Celui qui fut ministre de la Défense, celui des affaires étrangères avant de devenir premier ministre du Mali, en l’occurrence Soumeylou Boubèye Maïga, mort en détention a été accompagné en sa dernière demeure par ses parents, amis camarades, sympathisants et beaucoup d’anonymes, le jeudi 24 mars 2022. Après cette période d’intenses émotions, voire de passions, l’heure est à la raison et à l’interrogation. La première question qui est sur toutes les lèvres est celle relative à la vérité sur la désormais affaire des équipements militaires de l’armée, pour laquelle il a été inculpé. Saura-t-on encore la vérité sur cette affaire qui retient d’ailleurs encore dans les geôles deux anciens ministres, Mme Bouaré Fily Sissoko, ministre des finances au moment des faits et Mahamadou Camara, chef de cabinet du Président de la République d’alors. Pourquoi a-t-on laissé Boubèye mourir sans être jugé, alors même qu’il tenait, pour son honneur et pour celui de ses enfants, à apporter sa part de vérité sur cette rocambolesque affaire d’équipements militaires. Il est mort en détention sans avoir livré sa part de vérité. En effet, la mort en détention de l’ancien premier Ministre Soumeylou Boubèye Maïga suscite beaucoup de réactions et interpelle les autorités qu’elles soient judiciaires ou politiques. Chacune des entités a certainement failli à son devoir. Le procureur sous mandat duquel il a été détenu semble avoir sa part de responsabilité pour n’avoir pas eu le courage d’accorder à SBM une évacuation sanitaire. Quant aux autorités politiques, elles ont failli car par humanisme et surtout dans le souci de permettre à l’accusé de pouvoir s’expliquer devant la justice, auraient dû accepter son évacuation. L’une comme l’autre entité aura à répondre devant l’histoire et probablement devant la justice. En attendant place aux faits.
Nombreux sont les maliens à se poser la question de savoir à qui profite le décès de Boubèye ? Pourquoi lui a-t-on refusé d’aller se soigner à l’extérieur alors même qu’on a accordé cette faveur à l’ancien dictateur Moussa Traoré condamné à mort lors du procès crimes de sang. Il y a-t-il un sentiment de revanche ou bien veut-on faire disparaitre les traces de cette sulfureuse affaire d’équipements militaires en faisant taire à jamais le principal accusé ? Pour rappel l’affaire dite d’achats d’équipements pour les forces armées maliennes remonte du temps de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keita et le principal accusé qui était Soumeylou Boubèye Maïga était à l’époque ministre de la Défense et des anciens combattants. Cette affaire, comme celle relative à l’achat d’autres équipements avec des ukrainiens, tenez-vous bien avec la faramineuse somme de 11 milliards, sous la transition de Haya Sanogo et qui devraient être élucidées. A quand cet autre procès qui concernerait aujourd’hui un proche des nouveaux hommes forts du pays ?
Si tant est que le Mali Koura doit rimer avec des nouvelles pratiques et surtout avec une lutte implacable contre la corruption, les autorités doivent alors faire preuve de diligence et surtout de rigueur pour que la lenteur constatée dans les dossiers des crimes économiques et financiers puisse simplement être un vieux souvenir.
Pour rappel deux anciens ministres croupissent encore en prison sans être jugé, il s’agit de Mme Bouaré Fily Sissoko, ancienne ministre des finances et de Mahamadou Camara, ancien chef de cabinet et ancien ministre de la Communication. Il urge de les juger, car le Mali Koura devrait être aussi l’observation des princes des droits de l’homme et surtout de la fin de l’impunité. Le décès de Boubèye, au-delà de l’émotion, doit interpeller toute bonne conscience sur l’état de notre justice, qui a encore et toujours besoin d’hommes et de femmes capables de s’affranchir de la tutelle de l’exécutif. Ce dernier étant généralement politique est dans un perpétuel règlement de compte et de vengeance. Le Mali Koura, leurre et lueur ?
Youssouf Sissoko