Oui. Le gouvernement est allé sur les lieux de la tragédie de Markakoungo, c’est signe d’humilité et de compassion. Mais il y a une vingtaine de morts, des épaves et peut-être un gâchis évitable. Si nous n’avions pas fait de l’incivisme et du laxisme une sorte de religion.
Où, s’agissant de la route, chacun cherche à dépasser l’autre par l’exploit le plus mortel pour lui-même et pour d’autres. Motocyclistes sans permis et sans plaque minéralogique en dépit de la loi qui, il est vrai, devrait être gérée avec tact pour que les jeunes eux-mêmes s’approprient la mesure ; chauffeurs de bus, minibus, sotramas ou taxis roulant à tombeau ouvert, travaillant plus de huit heures, ce qui déjà relève de la tentative d’homicide si le trajet est long ; pneus usés jusqu’à la dernière corde, amortisseurs n’amortissant rien du tout ; visites techniques toujours impeccables ; policiers blasés et préoccupés à négocier avec les conducteurs de bennes, de remorques surchargées.
Or que peut-il y avoir au bout si les propriétaires de bus ne répondent pas du fait de mettre en danger la vie des passagers en ne recrutant pas deux chauffeurs pour les trajets Bamako-Mopti ou Bamako-Gao ? Que peut-il y avoir au bout si des pneus éculés ne sont pas une infraction dissuasivement punie ? Que peut-il y avoir au bout si le contrôle des freins dépend entièrement du seul instinct de conservation d’un chauffeur diminué par la fatigue, sous l’illusion des stupéfiants, des gris-gris et autres formules coraniques ? Rien que des tragédies : celle de Markakoungo est une de plus, par l’hécatombe et par ses causes probables.
Mais, c’est tous les jours que nous pouvons écraser un enfant sur les routes, par imprudence, plus grave par une sorte de travers sociologique qui fait que nous ne nous sentons plus le jour où nous possédons une moto ou une voiture et parce que nous sommes un des rares pays au monde où les passages piétons ne sont pas prévus.
C’est tous les jours que nous voyons étalés en pleine rue une jakarta et son conducteur, accroupi dans la posture de la douleur ou couché de tout son long, inerte et en sang. C’est tous les jours, qu’impatients, nous cherchons, chacun, à forcer les droits de l’autre, à être le premier à passer au point de créer des embouteillages dignes d’Etats faillis.
C’est évident, les génocidaires de la route que nous sommes en train de devenir, le sont parce que la famille est sortie de son orbite : elle ne nous éduque plus, elle nous subit. Mais un désordre à si grande échelle est forcément une panne de gouvernance. Ce sera dur, difficile, peut-être mal compris mais ATT n’a pas le choix, il lui faut terminer le travail commencé : faire de la route un trait d’union et non un cimetière à ciel ouvert.
Adam Thiam