Ce n’est pas la première fois que les droits de l’homme mettent à l’index les deux parties en conflit. La parade la plus courante est qu’on ne peut pas juger, d’égale sévérité, les exactions d’un Etat et ceux de sa rébellion. Or, le dernier rapport de Human Rights Watch n’accuse pas les forces pro- Gbagbo, comme ce fut souvent le cas, ces dernières années. C’est au contraire, les ex victimes devenues les responsables de l’Etat que le rapport incrimine en leur attribuant l’assassinat de 149 proches de Gbagbo depuis le 11 avril où celui-ci fut arrêté.
Un rapport, c’est prévisible, qui donnera du poids à l’argumentaire des anciens dignitaires dénonçant, depuis peu, un tribunal des vainqueurs. Surtout, le brûlot de l’ONG américaine ne manquera pas de créer de l’embarras dans le camp d’Alassane Ouattara. Pas celui qui fut obligé de conquérir son droit par la force mais celui qui fut investi président sous les yeux de la planète entière, qui prôna la réconciliation nationale, affirma que chacun répondra de ses actes et proclama que personne ne sera au dessus de la loi.
Human Rights Watch n’est pas infaillible, il faut le souligner. Mais ses accusations sont d’une précision d’horloge suisse contre trois barons des Frci auxquelles Ouattara doit en partie d’être aujourd’hui investi : le Capitaine Eddy Meddi et Ousmane Coulibaly qui se seraient distingués dans les horreurs de l’Ouest du pays ainsi que l’iconique Cherif Ousmane qui aurait ordonné l’exécution de 29 prisonniers.
On voit mal ce dernier dans le box des accusés, sous le feu roulant des questions de l’accusation, avec un Etat devenu ministère public. On voit mal le libérateur derrière les barreaux purgeant une peine proportionnelle à sa faute. Pour être un président impartial et mû par la seule passion de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara est tenu au devoir d’ingratitude. Mais les circonstances et les conditions qui l’ont amené là où il se trouve aujourd’hui ne l’y aident pas. Elles le freinent, au contraire.
Adam Thiam