Siaka Sangaré s’est fait entendre : il ne veut pas conduire la Guinée au casse-pipe et il faut plus de temps pour mieux s’attaquer aux dysfonctionnements de la Ceni. Ceux-ci avaient été relevés, on s’en souvient par les finalistes Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé et tous deux étaient d’accord qu’il y soit remédié pour améliorer la qualité du second tour. Autant dire donc qu’une grande partie de la légitimité du futur président de Conakry dépendra des corrections apportées par la Ceni à ces faiblesses inventoriées et scrupuleusement surveillées par les deux camps.
Le Général malien ne s’attardera pas outre mesure sur les oukases de la Maison Blanche ou du Quai d’Orsay qui ont d’ailleurs intérêt non pas à relâcher leur vigilance mais à recadrer leur stratégie sur la Guinée, compte tenu de la nouvelle donne qui y existe désormais. Doivent t-ils alors se montrer plus intransigeants sur la Côte d’Ivoire? C’est un peu ce qu’ils ont fait ces cinq dernières années et on pourrait donc douter de l’efficacité des pressions occidentales même si pour les rues africaines, l’élection dans nos pays ainsi que le choix des urnes sont décidés de Paris, Washington ou Londres.
La géopolitique de la guerre froide a la vie dure. Reste qu’avec le fait d’avoir récusé la société informatique Sils qui ne serait qu’une filiale blanchie du Fpi et la décision de recourir au comptage manuel, la Côte d’Ivoire envoie, contre toute attente, quelques signaux inquiétants. Car on croyait, à tort, tout réglé sur la technologie et la logistique de cette présidentielle dont il est inutile de dire qu’elle sera âprement disputée.
Mais peut-être n’y a-t-il pas de raison d’être plus royaliste que le roi. A peine la « grosse manœuvre » débusquée, voilà les principaux protagonistes repartis en campagne. Gbagbo, avec le style racoleur et direct qu’on lui connaît, sillonnait, ce week-end, le pays bété où il fut confirmé « homme de la situation ». Bédié en pays Baoulé, comme Daoukro tenait ces mots forts devant « ses frères et sœurs » : l’enjeu de cette consultation électorale est la survie de la Côte d’Ivoire. Pendant ce temps, ADO, mettant sa femme à contribution bat le Sud et le Nord du pays et la presse qui lui est proche prédit le raz-de marée. On a à peine du temps pour le représentant de l’Onuci qui n’a de cesse d’appeler à des élections apaisées ou pour Human Rights Watch qui vient de produire le énième rapport sur les graves violations de droits humains au pays d’Houphouët. C’est vraiment parti, on dirait et la gueule de bois à partir du 1er novembre n’est pas à l’ordre du jour.
Adam Thiam