Même pas d’escale technique à Bamako. A l’aller, Alassane Ouattara ne pouvait pas ne pas réserver la « primeur » de la première sortie à Abdoulaye Wade qui, plus que son frère idéologique de l’Internationale libérale, a été un de ses nets soutiens dans le bras de fer avec Gbagbo. Mais sur le chemin du retour, le président ivoirien pouvait et devait s’arrêter à Bamako, ne serait-ce que pour un coucou. D’autant que le Mali est sur l’axe du trajet Dakar-Abidjan. Il devait le faire parce qu’il est annoncé également à Ouagadougou, et c’est élémentaire qu’il s’y rend pour remercier à la fois le médiateur patient de la longue crise ivoirienne et un tenant de la ligne dure contre le hold-up électoral de Gbagbo.
Qui plus est, Ado a eu l’exquise courtoisie de dépêcher à Conakry et à Accra des porteurs de messages pour inviter à son investiture Alpha Condé et Atta Mills qui s’étaient pourtant déclarés hostiles à l’usage de la force internationale contre Gbagbo. Sauf si nos médias publics ont omis d’en parler, Bamako n’a pas eu droit même à ce geste protocolaire.
C’est évident, Ado garde une dent contre le leadership malien. Pourquoi ? Les sources maliennes les plus autorisées avaient, en son temps, démenti toute implication de Bamako dans le fameux transfert Bceao de près d’une centaine de milliards de Fcfa au camp Gbagbo alors sous embargo.
Ensuite, la doctrine diplomatique d’Att est celle de la prudence discrète au nom des rapports de bon voisinage et de la nécessité de protéger la diaspora malienne dans les pays en conflit. Sur la Côte d’Ivoire, était-ce une erreur ? Ado reproche t-il plus à celui qui est désormais son homologue ? Quoiqu’il ait pu se passer, la realpolitik condamne le Mali et la Côte d’Ivoire, deux pays économiquement interdépendants, à dépasser les contingences de l’histoire et les blessures d’amour-propre.
Mieux, le peuple du Mali a vécu dans sa chair la crise postélectorale. Sa diaspora en Côte d’Ivoire a ses martyrs. Et ils ne comptent pas nos compatriotes qui ont supporté Alassane Ouattara tout au long des épreuves récentes parce qu’il incarnait la légitimité et parce que c’est à notre pays qu’il fait confiance pour y abriter sa famille lors de la crise de 2002. Et il faut qu’il le sache : il n’est pas seulement le président de la Côte d’Ivoire remis dans ses droits. A Abidjan comme à Bamako, Dakar et Ouaga, ce qui est attendu de lui, c’est d’être l’image d’Epinal de la démocratie. Celle qui crée le bonheur national brut, accepte la contradiction et transcende la rancune.
Adam Thiam